Judit Reigl
Ils ont soif insatiable de l'infini, 1950
Vous êtes en possession de moyens qui me stupéfient et je vous vois en mesure d’accomplir des choses immenses.
Lettre d’André Breton à Judit Reigl, 1954
Judith Reigl peint cette vision cauchemardesque l'année même de sa fuite de la Hongrie communiste vers la France. Le titre de cette peinture, tiré des Chants de Maldoror de Lautréamont évoque des chiens dans la nuit ayant « soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains ». André Breton, à qui l'artiste avait offert ce tableau, écrit en 1954 : « Je n'aurais jamais cru que cette parole de Lautréamont pût trouver image à sa hauteur, et j'ai été bouleversé de son adéquation totale à celle-ci, qui s'est jetée à ma tête quand j'entrais chez vous. » L’œuvre suggère une fuite sans fin d’un cavalier énigmatique, escorté de créatures monstrueuses qui semblent se précipiter vers le spectateur. Le tableau, est inspiré par le thème des « quatre cavaliers de l’Apocalypse » d’après d’une gravure de Francisco de Goya, extraite des Désastres de la guerre, comme en témoigne le dessin préparatoire donné par l’artiste au Musée national d’art moderne à la suite de l’achat du tableau. Mais ici, l’épouvante ne semble pas tant issue des figures elles-mêmes que de l’espace nocturne et menaçant qui les enveloppe, et qu’elles semblent fuir. En 2021, parait un ouvrage intitulé Judit Reigl : Entretien avec János Gát (Manuella Éditions en collaboration avec AWARE), dans lequel sont retranscrits dix ans d’entretiens entre l’artiste et son galeriste, spécialiste de l’œuvre de Judit Reigl. L’artiste s’y confie sur ses créatures : « Quoiqu’il en soit, ce sont de simples mortels qui fendent la voûte céleste, et non la Conquête, la Guerre, la Famine, et la Mort. Reigl, Zugor, Böhm, Bĩrŏ, nous sommes les quatres cavaliers de l’Apocalypse, ensemble jour et nuit, physiquement pendant dix ans spirituellement pendant l’éternité. » L’artiste, alors en exil, ne peut désormais réunir ses compagnons artistes que sur sa toile.
Judit Reigl en 7 dates
1923 Naît à Kapuvár en Hongrie
1941-1946 Étudie à l'académie des Beaux-Arts de Budapest
1950 Fuit la Hongrie et s’installe à Paris, accueillie par le peintre Simon Hantaï
1951 Rencontre André Breton et le cercle surréaliste parisien
1954 Organise la première exposition de ses œuvres surréalistes à la galerie L'Étoile scellée, à Paris
1958 S'oriente vers l’abstraction gestuelle
1988-1990 Retour à la figuration humaine très épurée
2020 Meurt à Marcoussis, Essonne
Pour aller plus loin
Interview de l'artiste à l'occasion de l'accrochage elles@centrepompidou
Durée : 1 min 30 sec