Dora Maar

Son artificialité même est ce qui [ …] confère  [à la photographie ] sa qualité surréaliste ; tout ce qu’elle regarde a déjà été construit.*

C’est probablement par l’intermédiaire de la poétesse Lise Deharme, qui tient un salon surréaliste que Dora Maar rejoint le mouvement. La photographe y rencontre André Breton et Paul Éluard et participe très rapidement aux revues et aux expositions surréalistes entre 1933 et 1938. Dora Maar, photographe de mode professionnelle, introduit dans sa propre iconographie des sujets surréalistes : l’érotisme, le sommeil, l’œil, l’inconscient, l’univers de la mer. Aujourd’hui considéré comme une icône du surréalisme, Portrait d’Ubu est présenté pour la première fois en mai 1936 à l’Exposition surréaliste d’objets organisée par la Galerie Charles Ratton à Paris. Cette photographie représente sans doute un fœtus de tatou, bien que Dora Maar ait toujours refusé de se prononcer sur le sujet, préservant autour de l’œuvre un mystère cher au surréalisme. Son titre est tiré de la pièce Ubu roi d’Alfred Jarry (1895), dont le héros malveillant, vulgaire et ridicule était particulièrement apprécié des surréalistes. Son portrait par Dora Maar traduit l’intérêt du groupe pour l’horrible, l’étrange, mais aussi le brouillage des frontières : entre humain et végétal, entre héroïque et vulgaire. Dora Maar, est la seule photographe présente aux cinq expositions internationales du surréalisme, organisées à Ténérife (Canaries, Espagne) et à La Louvière (Belgique) en 1935, à Londres en 1936 où elle expose le Portrait d'Ubu, puis au Japon en 1937 et à Amsterdam en 1938. 

*Rosalind Krauss, historienne de l’art, cité dans le catalogue Dora Maar, exposition du Centre Pompidou, p.18