Paysage vineux
1944
Jean Dubuffet
Plus encore que la représentation d’un espace fini, c’est la couleur qui envahit ici le paysage, un bordeaux débordant, habilement amené au-devant de la scène par le rôle singulier que l’artiste commence à conférer aux titres. Paysage vineux est une métaphore évidente. Dubuffet réunit ici poétiquement deux champs sémantiques différents : celui d’un genre pictural bien codé et l’adjectif qualificatif « vineux », qui a le pouvoir d’évoquer la couleur et la chose à la fois : le vin – Dubuffet avait été auparavant marchand de vins en gros à Bercy.
Le paysage se prête à tout avec Dubuffet : il est tour à tour vineux, charbonneux, jaseur, mais aussi cornu, pêle-mêle, ardent. Paysages insolites donc, où le souci apporté à la facture de l’œuvre prime toujours sur la représentation mimétique du réel.
Le plan du sol est ici relevé à la verticale. Les personnages et les détails semblent désormais incrustés dans une matière picturale épaisse. Ce mode de figuration s’apparente à des tracés effectués sur un mur. Dubuffet s’inspire des graffiti, mode d’expression sauvage et anarchique, à la fois évocateur d’un imaginaire populaire et urbain.
« Ce sont des paysages de cervelle. Ils visent à restituer le monde immatériel qui habite l’esprit de l’homme : tumultueux désordres d’images, de naissances d’images, d’évanouissements d’images, débris de souvenirs de nos spectacles mélangés à des faits purement cérébraux et internes – viscéraux peut-être.1 »
In Jean Dubuffet, « Tables paysagées, paysages du mental, pierres philosophiques », Prospectus II, 1967 p. 80-81.
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