Le Cheval à six têtes

En 1956, le travail de Germaine Richier est couronné de succès, elle jouit d’une reconnaissance internationale et prépare sa grande rétrospective au Musée national d’art moderne à Paris. C’est lors d’une période de travail intense qu’elle crée Le Cheval à six têtes, un être fantastique tout droit issu de son imaginaire, imprégné de références religieuses, mythologiques et de sa culture provençale. Ce cheval peut évoquer tout à la fois les bibliques cavaliers de l’Apocalypse et la mythique chevelure de Méduse. La brillance du bronze rappelle l’habit de lumière des toreros et l’atmosphère des férias et courses de chevaux qui ont imprégné l’enfance de l’artiste en Camargue. On peut également y voir un clin d’œil à son ami Pablo Picasso, dont une reproduction de Guernica est accrochée au mur de son atelier.

Pour composer cette sculpture, Richier travaille d’abord une petite version, puis une version agrandie qu’elle coule en bronze. Elle utilise des fils agrémentés de plâtre – une technique qu’elle expérimente pour la première fois avec La Chauve-souris (1946) – donnant à sa sculpture un aspect écorché, rugueux, émacié.

Enfin, ce cheval fougueux rappelle le goût de Richier pour l’expression du mouvement, qui l’intéresse depuis L’Escrimeuse (1943). Ici, le mouvement se trouve démultiplié par la juxtaposition des têtes, comme une version sculpturale des études chronophotographiques menées par Étienne-Jules Marey et Eadweard Muybridge à la fin du 19^e siècle. Ces études ont permis d’analyser, grâce à la photographie, le mouvement d’un cheval au galop. Ici, l’agitation de l’animal est comme amplifiée par les positions successives des têtes, évoquant la tension de la cavalcade et le vacarme des hennissements.