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L'artiste et son œuvre

Charlotte Perriand

L'art d'habiter

Figure majeure de l’histoire de la modernité, Charlotte Perriand a marqué l’histoire du design par sa personnalité, sa liberté, sa curiosité pour le monde. Ses recherches, qui portent avant tout sur le mobilier, mais également sur l’architecture, l’urbanisme, la photographie, l’art, cherchent à mettre les progrès industriels et techniques au service du plus grand nombre. Si Charlotte Perriand est célèbre en tant qu’architecte et designer notamment pour ses collaborations avec Le Corbusier ou les ateliers Jean Prouvé, des aspects moins connus de son travail seront découverts par le public lors d’une grande exposition rétrospective en 2005. Charlotte Perriand a marqué durablement le monde du design du 20e siècle par ses engagements politiques et a contribué à définir un nouvel art d’habiter, accessible aux classes moyennes, pour montrer que « l'important ce n'est pas l'objet, mais l'Homme ».


Charlotte Perriand naît à Paris en 1903 dans une famille de couturiers. Elle passe les trois premières années de sa vie dans le village de Moulery, en Bourgogne, chez son grand-oncle paysan, où se forme son rapport à l’espace et à la nature. Elle revient ensuite à Paris auprès de ses parents, puis étudie à l'école de l'Union centrale des arts décoratifs entre 1920 et 1925. Elle s’intéresse alors à de nouveaux matériaux comme les bois contreplaqués et les matériaux industriels tels le métal.

L'aventure collective avec l'Union des Artistes Modernes (UAM)

En 1927, suite à sa participation remarquée au Salon d’Automne avec son Bar sous le toit créé pour son appartement-atelier de la place Saint-Sulpice à Paris, elle devient l'associée de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret. C’est avec eux qu’elle fonde l'Union des Artistes Modernes (UAM) en 1929. Simplicité, fonctionnalité, modularité deviennent des traits caractéristiques de son style, et donnent naissance à des pièces de mobilier célèbres comme le Fauteuil Grand Confort ou le Fauteuil B 301

Dans les années 1930, elle travaille à des réalisations majeures telles que l'équipement de la Cité-refuge de l'Armée du salut et le Pavillon suisse de la Cité internationale universitaire à Paris. Proche du Parti communiste (qu’elle quittera en 1991), elle ne cache pas la dimension politique de ses réflexions sur l’architecture, en particulier à travers la Maison du Jeune Homme, un espace pour jeune célibataire pourvu de divers équipements sportifs et d’une fresque de Fernand Léger, présenté à l’Exposition Internationale de Bruxelles en 1935.

L'influence du Japon

Charlotte Perriand part pour le Japon en 1940, dans le contexte bouleversé du début de la Seconde Guerre mondiale. Elle y occupe un poste de conseillère à l'art industriel au ministère du Commerce et de l’Industrie et découvre un art de vivre, une philosophie et des matériaux, qui résonnent avec ses propres recherches. En 1942, elle organise une exposition intitulée « Sélection, Tradition, Création » où elle présente des réalisations traditionnelles japonaises aux côtés de ses propres créations, notamment la transposition en bambou de la Chaise longue B 306 dite « Tokyo ».

Après l’attaque de Pearl Harbor par l’armée japonaise en 1941, la situation au Japon devient difficile et elle part pour Hanoï où elle rencontre son second époux, Jacques Martin, alors responsable des affaires économiques en Indochine.

En 1946, elle revient en Europe où elle réalise de nombreux programmes d’équipements collectifs dans le cadre d'une collaboration avec les ateliers Jean Prouvé. Elle retourne à Tokyo en 1953 afin d’y présenter l’exposition « Synthèse des arts » aux grands magasins Takashimaya où est exposée la Chaise Ombre en contreplaqué.

La passion de la montagne

Charlotte Perriand est une sportive accomplie, notamment dans la pratique du ski et de l’alpinisme, et une passionnée de montagne. Elle collabore à la création de la station d'altitude des Arcs en Savoie, pour laquelle elle dessine les bâtiments, les plans d’urbanisme et les aménagements intérieurs sous forme de blocs modulaires, comme le Bloc Cuisine (1975) ou le Bloc Salle de bains (1975). Ce projet monumental et sans équivalent est l’aboutissement de ses recherches sur l’habitat collectif et l’aménagement d’intérieur.

En 1993, à l'occasion du Festival du Japon, Charlotte Perriand crée la Maison de Thé sur l'esplanade de l’Unesco, à Paris.

Elle s’éteint en 1999, à l’âge de 96 ans. 


Le travail de Charlotte Perriand a fait l’objet de grandes expositions rétrospectives qui ont permis de mieux faire connaître son univers, comme en 2005 au Centre Pompidou, ou plus récemment, en 2020, à la Fondation Louis Vuitton, Paris. Artiste engagée et visionnaire, elle a inspiré des générations de designers, notamment les plus jeunes, par son audace à faire face aux questions politiques et sociales. À l’aube des années 2000, elle déplorait dans son autobiographie Une vie de création (1998), les dommages de la technologie et plaidait pour un rapport juste à la nature, anticipant sur les immenses défis à venir pour le monde de l’architecture et du design.