Giulia Andreani
Cheminotes, 2014
L'œuvre
Cette grande toile célèbre des héroïnes inconnues. Giulia Andreani s’est inspirée d’une photographie de presse représentant trois femmes chargées de la surveillance des voies ferrées à la gare du Nord à Paris pendant la Première Guerre mondiale. L’artiste travaille à partir de documents iconographiques dont les caractéristiques esthétiques sont reportées sur la toile : ici le gris de Payne traduit picturalement le sentiment de pérennité qu’apporte le noir et blanc de la photo. Mais la richesse de sa démarche réside surtout dans le choix de la photographie.
Dans cette image, elle utilise la peinture pour restaurer une part oubliée de la réalité historique et la transforme en un geste fort de rééquilibrage des représentations hommes/femmes. S’attachant ainsi à valoriser ces personnes anonymes qui ont fait l’Histoire, Giulia Andreani réactive dans un sens féministe la puissance de la peinture figurative politiquement engagée. Les cheminotes se tiennent debout, fières, évoquant la résilience et la détermination face aux défis quotidiens. L'éclairage dévoile les contours de leurs silhouettes, accentuant l'importance de leur présence dans l'ombre de l'histoire.
Biographie
Après avoir étudié la peinture à l’Académie des Beaux-arts de Venise, Giulia Andreani s’installe à Paris où elle entame un cursus en histoire de l’art contemporain. Sa pratique artistique est marquée par une recherche et une réflexion permanente liant les sujets dont elle s’empare à l’histoire de la peinture. Dès ses débuts, elle représente des personnages historiques qu’elle décontextualise ou saisit à des moments de leur vie quotidienne produisant ainsi un effet de distance critique.
Dans le prolongement de ce travail visant à donner une autre version de l’Histoire que les récits officiels, elle commence à peindre des portraits de femmes émancipées, comme dans Cheminotes. La question de la représentation des femmes devient ainsi centrale dans son travail. En 2017, elle est pensionnaire à la Villa Médicis – Académie de France à Rome, et enquête sur les premières femmes qui y ont été admises au début du 20e siècle. Elle les représente en prenant pour modèle celles qui y séjournent en même temps qu’elle, traçant ainsi une lignée d’artistes femmes entre les plus anciennes et les plus récentes.
Pour aller plus loin
Julie Crenn, Présentation de l’œuvre de Giulia Andreani, prix AICA 2015
Palais de tokyo, 2015
Durée : 8'45
Entretien avec Giulia Andreani
dans le cadre de « Chronorama Redux » au Palazzo Grassi, juin 2023
Durée : 19’13