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Le Centre Pompidou &... Natalie Portman

Elle est à l'affiche de May December*, le nouveau film de Todd Haynes, dont elle est aussi productrice. En marge de l'ample rétrospective consacrée au cinéaste américain, rencontre avec une actrice cérébrale et francophile, qui cultive depuis des années un lien tout particulier avec « Beaubourg ». 

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Elle est l'une des actrices américaines les plus francophiles. Mariée au chorégraphe et danseur français Benjamin Millepied, Natalie Portman a habité Paris lorsque celui-ci était à la tête de l’Opéra national, de 2014 à 2016. De ses années parisiennes, elle a gardé un lien fort avec le Centre Pompidou et sa collection. Ces jours-ci, l'actrice oscarisée pour Black Swan (2010) est à l'affiche du nouveau film de Todd Haynes, May December, dont elle est aussi productrice. Elle donne la réplique à Julianne Moore, véritable muse du cinéaste depuis les années 1990 et Safe — son film de chevet. Début mai 2023, l'actrice répondait à l'invitation de Todd Haynes pour ouvrir la rétrospective événement qui lui était consacrée au Centre Pompidou. Rencontre avec une artiste cérébrale. 

« Lorsque j'habitais à Paris, mon fils avait 3 ou 4 ans. Je me suis vite rendu compte que la meilleure chose à faire avec un enfant quand il pleut est d'aller au musée, et Beaubourg était l'un de ses préférés. Je dis "Beaubourg", car lorsque je vivais dans la capitale, j'ai vite compris qu'on ne disait pas "le Pompidou", comme le font les Américains ! Nous allions très souvent à l'Atelier des enfants. Je me souviens aussi d'une fois où il y avait une grande salle avec des craies à disposition, on pouvait écrire sur les murs (une installation de Jean-Luc Vilmouth, ndlr), et ainsi participer à la création artistique — il avait adoré. J'ai aussi récemment emmené ma fille à la Galerie des enfants, lors de la rétrospective consacrée à Gérard Garouste. Elle a réalisé une petite œuvre et l'a accrochée. C'était très amusant pour elle de sentir qu'elle pouvait, à sa manière, faire un peu partie de la collection.

 

Je dis "Beaubourg", car lorsque je vivais dans la capitale, j'ai vite compris qu'on ne disait pas "le Pompidou", comme le font les Américains !

Natalie Portman


Le Centre Pompidou a une collection vraiment extraordinaire, qui va des créations du groupe Memphis aux photographies modernes en passant par Yves Klein. On va d'un chef-d'œuvre à un autre, c'est fou ! Certains de mes artistes préférés de la collection sont Kandinsky, dont j'aime le travail et l'approche synesthésique entre la musique et les couleurs, ou le peintre et photographe du Bauhaus, Moholy-Nagy. Je suis aussi une grande fan d'Anselm Kiefer ; son travail me touche plus que celui de n'importe quel artiste contemporain. Je suis particulièrement sensible à une œuvre, dont le titre est Für Velimir Chlebnikow: Schicksale der Völker, je la trouve vraiment émouvante. J'adore la façon dont Kiefer fait interagir poésie et histoire. En grandissant, j'aimais beaucoup Egon Schiele et les expressionnistes allemands et autrichiens, je trouvais qu'il y avait là quelque chose d'une attitude punk, ça me plaisait. Ma mère est artiste, et je me sens un peu liée à Matisse, peut-être parce que ses motifs et ses couleurs me rappellent le travail de ma mère — elle réalise de grandes pièces abstraites en couleur. Récemment, je suis passée voir la rétrospective consacrée à Alice Neel, dont je ne connaissais pas bien le travail… C'était incroyable de pouvoir découvrir quelqu'un d'aussi important dans l'histoire de l'art et de l'activisme américain. 

 

Le Centre Pompidou a une collection vraiment extraordinaire, qui va des créations du groupe Memphis aux photographies modernes en passant par Yves Klein. On va d'un chef-d'œuvre à un autre, c'est fou !

Natalie Portman


Le bâtiment du Centre Pompidou est tellement extraordinaire — je vois une analogie dans l'idée de Piano et Rogers de rendre l'architecture interne visible de l'extérieur avec celle d'exposer son être le plus profond… J'ai toujours adoré prendre la Chenille (l'escalier mécanique en façade, ndlr) jusqu'aux plus hauts niveaux, je trouve que c'est la meilleure façon de découvrir la ville. Je dis toujours à mes amis de passage à Paris de monter jusqu'à la terrasse du Georges pour profiter de cette vue fabuleuse…


Ma dernière fois à Beaubourg c'était pour présenter la projection de Safe, dans le cadre de la rétrospective Todd Haynes. C'est l'un de mes films favoris, et l'une de mes performances préférées de tous les temps ! Sur May December, j'ai eu la chance de le voir travailler avec Julianne Moore. C'était extraordinaire. Il est si gentil, généreux et chaleureux, mais aussi très préparé. Il sait exactement ce qu'il veut. Nous avons tourné le film très rapidement, mais tout s'est déroulé de manière totalement maîtrisée. Souvent, lorsque les choses vont vite, cela peut devenir chaotique, mais Todd a réussi à tout fluidifier. Il nous a laissées de l'espace à explorer en tant qu'actrices. Il sait vraiment montrer la complexité des femmes, de manière impartiale. Je pense que Todd est l'un des plus importants réalisateurs de notre époque. » ◼