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Le Centre Pompidou &... JR

Photographe globetrotter aux inoxydables lunettes fumées, JR s'est bâti une renommée internationale grâce notamment à ses collages monumentaux en trompe-l'œil. Sa fresque en triptyque Chroniques de Clichy-Montfermeil, Work in Progress vient d'entrer dans la collection du Centre Pompidou grâce à la générosité de l'artiste et de son galeriste, Emmanuel Perrotin. L'œuvre est à découvrir au niveau 4 du Musée. Rencontre.

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Inutile de le présenter. Avec ses lunettes fumées et son éternel chapeau, JR (né en 1983) s'est forgé une allure reconnaissable entre mille — mieux, un véritable personnage. En vingt ans de carrière, l'artiste autodidacte qui avait fait du collage en trompe-l'œil sa marque de fabrique a multiplié les modes opératoires (installations monumentales in situ, fresques participatives, itinérances, cinéma) pour devenir l'une des figures incontournables de l'art contemporain. En octobre 2024, l'une de ses fresques collectives, Chroniques de Clichy-Montfermeil, Work in Progress, rejoint la collection du Centre Pompidou sous forme de triptyque photographique, grâce à la générosité de l'artiste et de son galeriste, Emmanuel Perrotin. Elle est visible dans l'allée centrale, au niveau 4 du Musée.

 

Cette composition épique et ultra-réaliste rassemble les quelque huit-cent portraits d'habitants des quartiers de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, enfants, travailleurs sociaux, pompiers, agents communaux, commerçants...

 

Cette composition épique et ultra-réaliste rassemble les quelque huit cents portraits d'habitants des quartiers de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, enfants, travailleurs sociaux, pompiers, agents communaux, commerçants... Collée in situ en avril 2017 et longue de trente-six mètres, l'œuvre sera inaugurée par le président de la République, François Hollande. Ce coin de Seine-Saint-Denis résonne tout particulièrement pour JR. Dès 2004, l'artiste collait des portraits d'habitant·es de la cité des Bosquets sur les murs du quartier (« Portrait d'une génération »). Un an plus tard, après la mort de deux jeunes de Clichy-sous-Bois électrocutés alors qu’ils fuient un contrôle de police, les cités françaises s’embrasaient. Rencontre avec un artiste pressé, ultra-connecté, mais toujours sensible aux mouvements de son époque.

« Cette donation est le résultat d’une longue conversation entamée avec le Centre Pompidou dès 2010. Chroniques de Clichy-Montfermeil est une œuvre symbolique, car cette ville de Seine-Saint-Denis, c’est un peu là où tout a commencé pour moi. Réalisée fin 2016, sur plusieurs semaines, cette fresque monumentale, qui s’inspire du motif classique, raconte près de vingt ans de mon travail… Mais c’est aussi l’histoire d’un quartier, d’une ville qui a connu des émeutes tragiques en 2005. Chroniques de Clichy-Montfermeil a un aspect sociologique : c’est le miroir d’une communauté, à un moment donné, c’est une trace historique, comme un précipité de l’époque. L’œuvre raconte l’histoire de chacun. C’est un puzzle, dans lequel chacun a choisi la manière dont il est représenté : chaque personne a été photographiée seule, puis tous les personnages se sont retrouvés assemblés dans le collage.

 

Chroniques de Clichy-Montfermeil a un aspect sociologique : c’est le miroir d’une communauté, à un moment donné, c’est une trace historique, comme un précipité de l’époque.

JR

 

Détail amusant, on y voit Xavier Lemoine, le maire de Montfermeil, celui-là même qui avait porté plainte contre moi pour vandalisme lorsque j’avais 18 ans ! Il est toujours le maire de la ville, mais il ne m’en veut plus… Je suis très fier car Chroniques de Clichy-Montfermeil a été présentée au Palais de Tokyo en 2017, puis l’œuvre a été installée sur l'avenue de Clichy-sous-Bois, à Montfermeil et dévoilée, en présence des habitant·es, par le président François Hollande lui-même. Je me sens chanceux aujourd’hui que ce collage soit au Centre Pompidou, jamais je n’aurais cru voir un jour une de mes œuvres entrer dans la collection du Musée !

L’institution peut avoir quelque chose d’intimidant. Au début des années 2000, quand j’avais 17 ou 18 ans, je faisais mes premiers collages, ce que j’appelais mes « Expo 2 Rue ». Je me souviens avoir collé des affiches devant Beaubourg… Évidemment, elles finissaient nettoyées au petit matin. Je grimpais sur les toits, tout autour du Centre Pompidou, et quel que soit le point de vue, je voyais ce bâtiment incroyable… Il me semblait inatteignable. Et puis en 2007, place Igor Stravinsky, là où se trouve la fontaine Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, tout près du Centre Pompidou, j’ai installé sur un immense mur mes portraits grand format de Palestiniens et d’Israéliens. Des images que j’avais aussi collées lors de mon projet « Face 2 Face » sur le mur qui sépare Israël et les territoires palestiniens... Aujourd’hui, à la place, il y a l’œuvre murale de Shepard Fairey.

 

Au début des années 2000, quand j’avais 17 ou 18 ans, je faisais mes premiers collages, ce que j’appelais mes « Expo 2 Rue ». Je me souviens avoir collé des affiches devant Beaubourg… Évidemment, elles finissaient nettoyées au petit matin.

JR

 

En 2011, à l’invitation du Centre Pompidou, j’ai installé une sorte de Photomaton géant dans le Forum, dans le cadre de mon projet « Inside Out ». L’idée était de proposer des portraits imprimés, géants et gratuits aux visiteurs et visiteuses… Tout le monde pouvait repartir avec le sien ! Ça a eu un succès fou, il y avait des heures de queue, des pannes… C’était dingue. Je crois qu’on a imprimé pas loin de 12 000 portraits ! Et puis en 2016, j’ai conçu l’exposition-atelier « Vous êtes ici », pour l’Atelier des enfants, un excellent souvenir aussi. Dernièrement, je suis venu voir l’exposition « Surréalisme », et j’ai eu une pensée émue pour mon amie Agnès Varda (disparue en 2019, ndlr), qui aimait beaucoup les surréalistes, et qui me parlait souvent de l’importance du rêve dans la création. » ◼