Untitled (Anka) (Sans titre (Anka))

La peinture de Wilhelm Sasnal, qui s’est développée dans la Pologne des années 1990, reflète la dichotomie entre le contexte politique et social de cette période de profonds changements et la sphère privée, dans une tentative globale de redéfinition. Ses premières œuvres ont été réalisées à Cracovie autour du groupe Ladnie, des peintres connus pour leur position ironique et critique qui ont investi la banalité de la vie populaire. Influencé par l’univers de la bande dessinée, Sasnal réalise alors le cycle de la « Vie quotidienne en Pologne », de 1999 à 2001. Il s’éloigne à cette période de la lignée pop pour développer une peinture caractérisée par l’influence du graphisme, montrant clairement son origine photographique. Utilisant une iconographie qui reste liée à son environnement immédiat – bande dessinée, télévision, films, musique rock ou livres pour enfant –, l’artiste dépasse néanmoins la critique des médias. Il invente un style figuratif qui décline diverses manières de peindre, de l’hyperréalisme au style graphique en passant par un certain expressionnisme, mais en rupture avec l’héritage abstrait de la peinture polonaise. La toile représentant sa femme, Anka, appartient à un ensemble de portraits réalistes proches du rendu photographique, que le peintre emploie plus volontiers pour ce type de sujets, tandis que la grande peinture d’usine Sans titre (Factory) , également dans les collections du Mnam, est typique d’un certain style de Sasnal (formes planes, couleurs uniformes, notamment le gris) non exempt de mélancolie. Chaque manière de peindre est en effet choisie en fonction du sujet et non pas, comme chez Gerhard Richter, en fonction de ruptures stylistiques préétablies. Pour Sasnal, il s’agit moins d’explorer tous les potentiels de la peinture que de proposer une vision picturale de l’ensemble des objets du monde.

Christine Macel

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007