Untitled (La Brèche)
1946
Untitled
(La Brèche)
1946
Domain | Dessin |
---|---|
Techniques | Encre de Chine sur papier |
Dimensions | 91 x 61 cm |
Acquisition | Don de Mme Annalee Newman, 1986 |
Inventory no. | AM 1986-173 |
Detailed description
Artist |
Barnett Newman
(1905, États-Unis - 1970, États-Unis) |
---|---|
Main title | Untitled (La Brèche) |
Title given | The Break |
Creation date | 1946 |
Domain | Dessin |
Techniques | Encre de Chine sur papier |
Dimensions | 91 x 61 cm |
Inscriptions | Signé et daté en bas à droite : Barnett Newman 1946 |
Acquisition | Don de Mme Annalee Newman, 1986 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1986-173 |
Analysis
Pendant longtemps, Barnett Newman n’aura été qu’un peintre expressionniste sans relief particulier, connu surtout pour des essais d’écriture théorique abondants. Il est pourtant difficile d’en juger, car il a détruit l’ensemble de sa production antérieure à 1944, donnant le sentiment que l’exécution de Onement 1 [Unification 1] en janvier 1948 a été une révélation soudaine, à peine préparée par quelques tableaux et dessins à l’encre sur papier. Ces derniers, en particulier, anticipent sur la radicalité du tableau de 1948, champ de couleur monochrome rouge cadmium sombre simplement partagé en son milieu par une bande de papier adhésif recouvert d’un ton rouge cadmium clair. Ce dessin important, longtemps baptisé The Break [La Brèche] avant d’être présenté comme Sans titre à partir d’une exposition de 1964, est l’un de ceux qui manifestent le plus clairement la volonté de Newman de « repartir à zéro », pour reprendre l’expression par laquelle il décrit la situation qui fut la sienne au milieu des années 1940, cette période où dominait le sentiment qu’il s’agissait « de peindre comme si la peinture n’avait jamais existé ».
La feuille de papier chiffon y est recouverte d’un noir déposé avec un pinceau peu chargé, qui a laissé de longues traces, verticales sur la partie gauche, horizontales sur celle de droite, s’épaississant seulement sur les bords d’une zone médiane laissée en réserve. Des jeux nerveux du pinceau dessinent des variations à l’intérieur de chaque partie, restes probables des animalcules qui peuplaient les pastels et les tableaux de 1944-1945 et, surtout, possible représentation d’une sorte de chaos primordial, sur lequel surgit un rai d’une blancheur particulièrement lumineuse. Dans toutes ses œuvres, Newman faisait alors de ce surgissement de la création, de cette radicale apparition qui fait passer du rien au quelque chose, son thème iconographique. S’il n’est pas encore ici pleinement passé à la possibilité de moins représenter la création qu’à l’incarner en acte, comme il le fera après 1948, il se distingue cependant, par sa manière très peu narrative et illustrative de traiter ce thème, du noyau de l’expressionnisme abstrait qu’il réunit en 1947 dans l’exposition « The Ideographic Picture » à la galerie Betty Parsons, et où l’on trouve notamment ses proches amis Mark Rothko et Adolph Gottlieb. Si la bande centrale n’est pas encore le « zip » des œuvres postérieures à Onement 1 – la pointe triangulaire peut suggérer encore une certaine profondeur et une direction explicite –, sa constitution par la réserve du papier assure que le trait divise moins la surface qu’il ne « déclare l’espace », comme le précisera l’artiste dans un entretien de 1962. Cette déclaration est d’autant plus efficace, ici, qu’elle n’est que le résultat d’une opération négative de préservation de la virginité originelle : c’est le papier lui-même, non touché par la main de l’artiste, qui est chargé de symboliser l’acte de création individuelle.
Éric de Chassey
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008