Picasso : dessiner partout, tout le temps
Sur une enveloppe décachetée, une page de journal, un papier d’emballage, un morceau de buvard, au dos d’un carton d’invitation, au verso d’un prospectus, au fond d’une boîte en carton, et même sur un torse découvert ou un genou nu… Le dessin se contente de peu, et s’agrège à tout. Si Picasso utilise parfois un très beau vergé (pour la série des Crucifixions de 1932, par exemple) ou de grandes feuilles de vélin (c’est le cas du cycle consacré au Minotaure en 1936), il fait feu de tout bois. Mais rien n’est anodin : par sa matérialité même, sa texture, sa découpe, sa couleur, le papier engage le devenir de l’œuvre. Les dessins réalisés sur des supports de récupération en offrent la démonstration, le trait venant se loger dans les marges d’un texte ou s’inscrire entre les plis d’une enveloppe.
Par sa matérialité même, sa texture, sa découpe, sa couleur, le papier engage le devenir de l’œuvre.
De ce goût de Picasso pour la matérialité, les papiers collés cubistes constituent une expérience cruciale : par leur pouvoir suggestif, ils induisent une perception tactile de l’œuvre, et ouvrent un autre espace. Cet usage de papiers multiples est également le révélateur d’une pratique immodérée et intime du dessin : littéralement, Picasso dessine toujours – tous les jours, jour et nuit, à toute heure – et partout. Abandonnés, déchirés, dénichés et réutilisés, ces papiers sont les relais d’une pensée graphique en perpétuel mouvement. Par le jeu du détournement, Picasso leur confère un haut potentiel poétique. ◼
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Jean Gonnet, le visage caché et le torse peint par Picasso, sur le tournage du film « La mort de Charlotte Corday » (de Picasso et Frédéric Rossif), dans la cour de l'atelier du Fournas à Vallauris, 1950
photo de Robert Picault, tirage non daté, épreuve gélatino-argentique 11 X 6 cm
© Succession Picasso 2023, photo © Dist. Rmn-Gp, © Musée national Picasso-Paris