Der Hirsch (Le cerf)
1919
Der Hirsch
(Le cerf)
1919
Domain | Dessin |
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Techniques | Aquarelle et gouache sur toile collée sur carton |
Dimensions | 25,2 x 18,8 cm |
Acquisition | Dation, 1992 |
Inventory no. | AM 1992-150 |
Detailed description
Artist |
Paul Klee
(1879, Suisse - 1940, Suisse) |
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Main title | Der Hirsch (Le cerf) |
Creation date | 1919 |
Domain | Dessin |
Techniques | Aquarelle et gouache sur toile collée sur carton |
Dimensions | 25,2 x 18,8 cm |
Inscriptions | Numéroté, daté et titré en bas à gauche : Klee 202 1919 Der Hirsch |
Acquisition | Dation, 1992 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1992-150 |
Analysis
À partir de 1921, Paul Klee enseigne au Bauhaus de Weimar, où Vassily Kandinsky le rejoint l’année suivante ; les deux hommes, qui partagent une Meisterhaus (maison de maître) à partir de 1926, renouent là une amitié datant de l’époque du Blaue Reiter, quand ils étaient voisins à Munich, en 1911. Leurs affinités, personnelles autant qu’artistiques, s’expriment en particulier à travers le dessin, dont la pratique joue pour eux un rôle fondamental d’expérimentation et d’expression, et qui tient dans leurs productions une place totalement autonome. En témoignent les œuvres qu’ils s’échangent régulièrement, pour certaines à l’occasion de leurs anniversaires respectifs : Briefbild fait ainsi partie du portfolio offert à Kandinsky en 1926 pour ses soixante ans, tandis que Rhythmen einer Pflanzung lui fut donnée en 1932. Chacune évoque par touches discrètes la situation des deux artistes, leur errance, que Klee souhaite voir s’achever à Dessau, dernière adresse en date de son ami, et qui pourtant a déjà repris pour lui – il enseigne désormais à Düsseldorf – lorsqu’il dédicace à son « ancien voisin » la seconde aquarelle, qui représente, par une métaphore naturelle, à la fois le temps qui passe et la fertilité du dialogue noué entre eux.
Dans le cadre du Bauhaus, tous deux partagent une aventure créatrice hors du commun, les exigences de l’enseignement les amenant à penser et à formuler précisément les principales caractéristiques de leur pratique. Klee y est engagé comme « maître de forme », par opposition à « maître-artisan », et exerce cette fonction d’abord dans l’atelier de reliure, puis dans celui de peinture sur verre, avant d’ouvrir en 1926 une classe de peinture libre ; il expose parallèlement, dans le cadre du cours préparatoire, une théorie générale de la mise en forme. L’intitulé est révélateur de l’inflexion voulue par l’artiste, qui déplace l’accent, dans nombre de ses textes, dont « Das bildnerische Denken » (« La pensée créatrice »), de la prise en compte de la forme vers l’idée même de formation : « Bonne donc la forme comme mouvement, comme faire, bonne la forme en action. Mauvaise la forme comme inertie close, comme arrêt terminal. Mauvaise la forme dont on s’acquitte comme d’un devoir accompli. La forme est fin, mort. La formation est Vie. » Son Pädagogisches Skizzenbuch (« Esquisses pédagogiques »), paru en 1925 dans la collection des « Bauhausbücher », présente l’une des mises au clair de ces réflexions, tandis que les œuvres sur papier qu’il réalise à l’époque constituent le terrain principal de ses expérimentations plastiques.
Les thèmes en sont variés, de la saynète de comédie à l’univers du drame, des phénomènes naturels à la mécanique des passions humaines ; les moyens également, encre, gouache, aquarelle ou craie et jusqu’à l’emploi de l’aérographe et du pochoir dans la Briefbild. Telles œuvres participent d’une même volonté d’élaborer un espace à la fois plan et divisé, structuré et animé, par le dessin autant que par la couleur : Analÿse verschiedener Perversitäten (1922) introduit l’irrégularité dans le principe des images quadrillées et des dégradés, tandis que dans Rhythmen einer Pflanzung (1925), la structure en damier se fait tissage et variation décorative. Par la répétition des motifs et l’homogénéité chromatique, l’animation de la surface qui en découle et le temps de l’arpentage qu’elle induit, celle-ci décline visuellement l’idée de rythmes, et dans Analyse…, Klee donne forme, avec force flèches et engrenages, à un enchaînement qui, pour être représenté comme mécanique, n’en évoque pas moins les mouvements qui agitent l’âme humaine, en un clin d’œil ironique à la vogue de la psychanalyse. Des Pierrot Verfolgungswahn (1924) met en scène de semblables comportements, sur un mode plus nettement comique et avec un dynamisme fondé sur l’équilibre instable, et la suggestion de la fuite comme de la chute qui ne manquera pas d’en résulter.
Depuis la fin des années 1910, intérêt pour le sujet et recherche de principes formels s’entremêlent jusqu’à se conditionner l’un l’autre : ainsi, de motif, le cerf devient principe structurant de Der Hirsch (1919), par un procédé de ramification qui propage la ramure de l’animal dans la moitié supérieure de l’œuvre et qui, en la géométrisant à la manière cubiste, crée des analogies formelles entre les règnes animal, végétal (branches d’arbre ou nervures de feuille), voire minéral (structure du cristal). La volonté expressive s’affirme davantage encore dans Lomolarm (1923) : le visage de l’homme de douleur s’y fait tout entier larmes, par un effet de rimes plastiques parallèle au mot-valise forgé par Klee, « Lomolarm », qui confond le personnage avec les marques physiques de sa souffrance.
Guitemie Maldonado
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008