Sans titre
1984
Sans titre
1984
Domain | Dessin |
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Techniques | Crayon gras et craie noire sur papier |
Dimensions | 20,3 x 47,5 cm |
Acquisition | Achat, 1985 |
Inventory no. | AM 1985-30 |
Detailed description
Artist |
Enzo Cucchi
(1949, Italie) |
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Main title | Sans titre |
Creation date | 1984 |
Domain | Dessin |
Techniques | Crayon gras et craie noire sur papier |
Dimensions | 20,3 x 47,5 cm |
Inscriptions | Signé et daté au revers : 1984 Enzo Cucchi |
Acquisition | Achat, 1985 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1985-30 |
Analysis
L’importance du dessin dans l’œuvre d’Enzo Cucchi le différencie des autres artistes de la Transavantgarde italienne dans les années 1980. C’est au sein de ce travail graphique, qui prend parfois des allures monumentales, que l’artiste élabore ses motifs récurrents. Ceux-ci se retrouvent dans ses peintures, ses sculptures, et dans ses installations qui mêlent les trois médiums : peintures prolongées d’objets, sculptures qui sont des dessins dans l’espace. À l’image de l’artiste, qui ne quitte pas sa terre d’Ancône et en travaille en profondeur l’atmosphère plus que l’apparence, ses motifs intemporels s’enracinent dans un trait épais (craie, crayon ou fusain gras) qui en simplifie les contours et en accompagne les lentes transformations : maisons aux fenêtres comme des yeux, allongées en wagons, en casemates ou en prisons, puis en rails ; pierres frémissantes, amoncelées en tumulus ou alignées en rue, ou sortant de la terre comme des têtes simplifiées en masques, et qui se transforment, en 1983-1984, en crânes. Comme dans les dessins du haut Moyen Âge, l’omniprésence de ces derniers évoque davantage la précarité de la vie qu’une sensibilité macabre, et fait allusion à la terre comme à un gisement vital.
Ainsi la composition de Sans titre (1984), qui est traité à la craie noire, prend racine dans un dessin, exécuté l’année précédente, où les pierres-crânes étaient des têtes et les rails, des maisons. Cet inquiétant, morbide paysage minéral, découpé dans le vide comme s’il était un objet hors du temps, peut évoquer aussi bien le traumatisme récent de la Shoah que l’histoire multiséculaire du continent, où les crânes affleurent à la surface de la terre, histoire qui modèle imperceptiblement les paysages. « Partout, sous la terre, il y a des têtes de morts. Je suis convaincu que l’art est vraiment plein de morts, mais d’une mort qui constitue aussi une idée de redécouverte. » Le dessin appartient à la série montrée en 1984 à la Boone/Werner Gallery, à New York, puis en 1985 à la galerie Templon, et que Cucchi intitule « Vitebsk/Harar ». Ces deux villes symbolisent pour lui les frontières géographiques et mentales du modernisme en Europe : le Harar est la région d’Afrique où Rimbaud se retira et cessa d’écrire ; Vitebsk, la ville de Malevitch et de l’utopie suprématiste.
Camille Morineau
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008