Etude pour "Fishe's Sanctuary"
[1967]
Etude pour "Fishe's Sanctuary"
[1967]
Domain | Dessin |
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Techniques | Pastel sur papier |
Dimensions | 19,8 x 31,6 cm |
Acquisition | Don de Christine et Jean-Baptiste Manessier, 2006 |
Inventory no. | AM 2006-73 |
Detailed description
Artist |
Alfred Manessier
(1911, France - 1993, France) |
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Main title | Etude pour "Fishe's Sanctuary" |
Creation date | [1967] |
Domain | Dessin |
Techniques | Pastel sur papier |
Dimensions | 19,8 x 31,6 cm |
Inscriptions | Non signé, non daté |
Acquisition | Don de Christine et Jean-Baptiste Manessier, 2006 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 2006-73 |
Analysis
Tenant, avec Jean Bazaine et Jean Le Moal, d’une transcription abstraite de la nature dans le respect d’une certaine « tradition française », Alfred Manessier apparaît au début des années 1950 comme l’une des figures marquantes de la scène artistique parisienne qui s’est révélée sous l’Occupation. Après qu’il a retrouvé la foi en 1943 lors d’une retraite à la Grande Trappe de Soligny, Manessier contribue notamment au renouvellement de l’iconographie religieuse en l’adaptant au vocabulaire de l’abstraction. En atteste l’austère série de ses Litanies, comprenant huit fusains entrepris peu après un flamboyant Album de sept lithographies sur le thème de Pâques, édité en 1949. Jouant sur de subtiles variations de gris, ces Litanies recourent le plus souvent à des formes ovoïdes et serpentines, empruntées au règne naturel, ou dentelées comme des épines, formes schématiques sérielles qui tendent à se substituer au thème plastique de la grille caractérisant l’œuvre de l’artiste depuis quelques années. Témoignage d’une quête personnelle d’un ordre spirituel, ce dessin noir et blanc à l’épaisse matière de fusain, dont le velouté sensuel adoucit la lumière et les formes, exprime l’exigence d’intériorisation mystique qui est celle de Manessier.
L’attrait de la lumière, et de toutes ses apparitions et modulations, devient bientôt déterminant pour l’artiste, qui en interroge les reflets par un travail à l’encre ou au pastel, devant le paysage marin. La baie de Somme, en Picardie, où Manessier a passé ses premières années, constitue ainsi dès la fin des années 1940 une source d’inspiration déterminante. Baie de Somme, la nuit apparaît caractéristique de ce paysagisme abstrait élaboré par lui au début des années 1950. Manessier y traduit un effet lumineux propre à la baie, provoqué par le reflet de la lune dans les circonvolutions des chenaux à marée basse. Plus encore que dans une version diurne du même thème qui appartient également au Musée, Manessier rend cet effet en une vision à la fois intimiste (la feuille est de petites dimensions) et cosmique. L’œuvre, qui enserre les zones plus lumineuses par des cernes noirs, à la façon d’un vitrail miniature, traduit aussi l’attrait de Manessier pour le thème nocturne, qui revient régulièrement dans son œuvre, depuis les peintures faites au Bignon dans les années 1940 jusqu’aux Favellas (1979) et aux ultimes Tours (1988-1990).
Au début des années 1960, l’invitation qui est faite à Manessier de représenter la France à la Biennale de Venise l’incite notamment à donner une ampleur inédite à ses peintures en investissant des formats plus grands, sous l’influence aussi de nouveaux paysages. En juillet 1967, il entreprend ainsi son premier voyage au Canada. À la fin de son séjour, ses hôtes lui font visiter un impressionnant site lacustre sur une île du lac Rideau, près d’Ottawa. De retour à Paris, Manessier mentionne dans son journal « cette promenade culminante en bateau à voile dans le “Fishes’ Sanctuary” » [Sanctuaire des poissons], en des termes qui traduisent sa fascination : « impression d’être le premier homme à pénétrer cette forêt vierge – thème violent de la mort et la vie entremêlées – arbres blancs comme des ossements, en couches, les uns sur les autres, dans l’eau, sur la terre ; et la vie victorieuse traversant ces couches et ressurgissant en verticales vertes ! Beau thème à creuser avec ces mystérieux poissons… » (carnet inédit, 1er août 1967). Inspiré par ce spectacle, l’artiste entreprend une petite étude au pastel qui donnera lieu à une peinture monumentale, Fishes’ Sanctuary, achevée deux ans plus tard (MNAM). En cette fin des années 1960, cette étude manifeste le goût nouveau de Manessier pour une répartition non centrée des éléments picturaux sur la totalité de la surface picturale, laquelle semble se prolonger au-delà des bords de la toile à la façon des all over.
Largement indépendante, le plus souvent, de l’œuvre picturale, la production graphique de Manessier, tout en restant d’une grande fidélité à ses sujets d’inspiration privilégiés, aborde régulièrement des thèmes qui ne seront pas développés en peinture. Ainsi, dans l’hiver 1983-1984, Manessier présente-t-il à la galerie de France une série de dix lavis de grand format, qui témoignent de sa capacité de renouvellement à la fois thématique et technique. Exploitant avec bonheur la fluidité de l’encre diluée, en parfaite adéquation avec son sujet, il traduit les mouvements du sable humide sur lequel la mer, en se retirant, a formé de légers monticules. Sables manifeste une nouvelle fois son intérêt pour le thème du sol, dont les linéaments constituent pour lui une source très concrète et inépuisable de motifs abstraits. Une importante série de peintures inspirées par les affleurements pierreux de Haute-Provence en témoignait déjà en 1958-1959, tout comme de remarquables « portraits » aquarellés de galets de la baie de Somme en 1977. La frontalité parfaite de la représentation, saisie ici à la stricte verticale, ajoute au caractère radical des Sables, série qui restera unique dans l’œuvre de Manessier.
Christian Briend
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Bibliography
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