Paysage d'échecs

Tout juste arrivés à Paris, Jindřich Štyrský et sa compagne Marie Toyen participent, en décembre 1925, à l’exposition « L’art d’aujourd’hui ». Deux de leurs toiles, Paysage d’échecs de Štyrský, et Port (AM 1971-162) de Toyen, réalisées cette même année, sont alors acquises par le vicomte de Noailles ; il en fait don en 1971 au Musée national d’art moderne, qui ne possédait jusqu’alors aucune œuvre de ces deux artistes. Un parallèle s’établit également entre Paysage d’échecs et Port sur le plan formel, témoignant de la complicité artistique des deux peintres dans le contexte avant-gardiste praguois.

En effet, en 1923, Štyrský, avait rejoint le Devětsil, rassemblement d’artistes tchèques d’avant-garde. Peint deux ans après l’exposition du groupe, « Bazar de l’art moderne », Paysage d’échecs reste imprégné de l’influence cubiste des débuts de l’artiste tout en évoquant ses expériences récentes que sont le collage et le photomontage. Le tableau se compose de plans géométriques simples, qui semblent découpés et imbriqués sans indication de distance ou de profondeur, chacun correspondant à une nuance chromatique, à un motif ou à un fragment représentatif, qu’il soit schématique – le moulin – ou quasiment photographique – la cascade.

Ces éléments qui n’ont a priori rien à voir – paysage et échiquier – sont assemblés sur la toile comme dans son titre. Cette association libre révèle toute la poétique de Štyrský, dominante majeure de son œuvre, qui le conduit à élaborer avec Toyen la théorie de l’« artificialisme » en 1926. « Volonté de faire coïncider l’aventure plastique avec une pratique existentielle de la poésie » (Annie Le Brun, « Toyen ou l’insurrection lyrique », Toyen, 1902-1980 , cat. exp., Zagreb, Galerija Klovićevi dvori, 3 avril-19 mai 2002, p. 11), l’« artificialisme » les mènera tout naturellement, dans les années 1930, au surréalisme. Cette adhésion est représentée dans la collection par une autre peinture de Štyrský, Le Gilet de Maïakovsky (1939, AM 1982-368), des ensembles de photographies et de plaques de verre de 1934-1935, ainsi que par une photographie acquise en 2003 à la vente de la collection d’André Breton.

PERSON - Irène Mercier

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007