Nature morte

Théoricien et plasticien, Ozenfant réagit contre le futurisme et l’abstraction cubiste, considérée comme une « formule décorative », en publiant avec Charles-Édouard Jeanneret (Le Corbusier), en octobre 1918, le manifeste Après le cubisme. Ce pamphlet prône un « classicisme moderne », nourri par le progrès technologique, et pose les bases d’un nouveau mouvement pictural, le purisme, dont le but est d’établir une synthèse entre figuration et géométrie : « L’esprit actuel, c’est une tendance à la rigueur, à la précision, à la meilleure utilisation des forces et des matières, au moindre déchet, en somme une tendance à la pureté. » L’iconographie doit être simple, privilégiant les objets quotidiens les plus familiers, de fabrication standardisée, des formes dépouillées de tout ornement, proches de l’épure, d’une lisibilité parfaite – comme dans cette Nature morte. Les indications de couleurs laissent penser qu’il pourrait s’agir d’une étude préparatoire pour une peinture : « bleu de ciel », « rouge vermillon glacé + garance », « blancs ivoires ». Les objets représentés sont récurrents dans l’œuvre d’Ozenfant : la cruche, identique au Pot blanc peint en 1925 (MNAM), les verres cannelés à l’antique, les œufs à l’ovale parfait… Rassemblés par catégories, ces objets sont agencés selon un ordre quasi architectonique, et sans altération des formes – suivant les préceptes puristes – et parviennent ainsi à un équilibre, une « beauté nouvelle », de laquelle tout esthétisme vain, toute anecdote sont bannis.

La revue L’Esprit nouveau, créée en octobre 1920, par Ozenfant, Le Corbusier et le poète Paul Dermée, restera le porte-parole du purisme jusqu’en 1925, ralliant à ses objectifs de nombreux artistes.

Claude Laugier

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008