Croix

De 1969 à 1973, Noël Dolla, dans sa pratique, s’interroge sur les limites de la peinture et se concentre sur l’acte minimal de la production picturale, réduit à l’inscription multipliée d’un point sur une toile libre. Cherchant à faire « éclater l’idée de tableau comme lieu privilégié de la peinture » et s’opposant à une technique traditionnelle, il expérimente divers matériaux : la tarlatane, puis la toile de torchon, qu’il détourne de leur fonction initiale. Dolla travaille alors la couleur par points, semés de façon aléatoire sur la surface, et réalisés sous forme d’empreintes faites à partir de ronds de feutre (habituellement utilisés sous les pieds de chaises) dont il se sert comme de tampons, trempés dans la couleur très diluée. Poussée à l’extrême, la multiplication à l’infini des points de couleur juxtaposés aboutit au total recouvrement de la surface, qui devient monochrome. Le questionnement de la couleur passe donc par une saturation de la toile. C’est cette problématique que Dolla développe, à partir de juin 1973, dans une première œuvre réunissant trois carrés de tissu teints dont la couleur est diffusée à partir de la couture puis, jusqu’en 1975, dans sa série des « Croix ». L’une des premières réalisées, cette Croix se compose de quatre toiles carrées peintes et cousues. Seules les lèvres des coutures laissées en réserve figurent la croix. Dolla précise : « le signe – la croix – est le formant d’un champ coloré, je ne l’inscris pas après coup dans la réunion des quatre carrés. » Le dessin ainsi produit, tel un cadre intérieur, est dépossédé de sa fonction traditionnelle de bornage et de contour de la couleur.

Nadine Pouillon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007