Lines from the Center of other Lines. Lines from the Ends of (Lignes à…

« Il faut insister sur deux points essentiels pour comprendre les dessins de Sol LeWitt. Contrairement à ceux de beaucoup d’artistes, ils ne sont ni esquisses, ni schémas de sculptures, mais forment dans son œuvre une entité ni plus ni moins importante que les structures tridimensionnelles. LeWitt est de ceux qui ont donné au dessin dans l’art contemporain une place nouvelle, équivalente aux autres techniques. Il a choisi de dessiner et non de peindre, activité abandonnée dès le début des années 60 […]. Par ailleurs, les dessins s’inscrivent sur toutes sortes de supports, là encore sans ordre prioritaire. En plus de la traditionnelle feuille de papier, ils sont tracés directement sur des murs, imprimés dans des livres ou même appliqués sur des objets. » Indiquant ainsi les différentes directions de l’œuvre dessiné de Sol LeWitt, Alfred Pacquement en souligne les points de convergence : le concept et le système, exprimés en premier lieu par des textes, puis traduits éventuellement par des lignes. Une description textuelle extrêmement simple permet à l’œuvre d’être réalisée par d’autres exécutants que l’artiste, selon un protocole qu’il explicite très tôt, en 1967, dans Paragraphs on Conceptual Art, nommant ainsi un mouvement artistique en train de paraître et dont il sera l’un des tenants essentiels : « l’idée est une machine qui fait de l’art […] c’est le processus de conception et de réalisation qui concerne l’artiste ».

1968 est l’année où Sol LeWitt commence à dessiner, et aussi celle de son premier Wall Drawing, réalisé à la Paula Cooper Gallery, à New York, qui est la transcription sur le mur d’un Drawing Project. Les paramètres qu’il détermine – échelle monumentale, caractère éphémère, qualité de réalisation changeante – sont autant de nouveaux paramètres du dessin dans la seconde moitié du xxe siècle qu’il faut attribuer à Sol LeWitt. Ayant identifié la ligne comme élément autonome en 1970, il se limite aux couleurs primaires et au noir, un texte pouvant dans certains cas faire partie du dessin : exécutée entre 1973 et 1975 , la série à laquelle appartient Lines from the Center of Other Lines, déclinée en deux variations successives, est caractérisée par des textes assez longs décrivant la position de la ligne dans l’espace ; les lignes de texte deviennent à leur tour des éléments visuels, soit linéaires, soit en forme de branches d’étoiles, de crayons ou de blocs géométriques. Le texte doit toujours être lisible ; aussi son organisation dans l’espace par recouvrement permet-elle, dans cette série seulement, de savoir dans quel ordre ont été tracées les lignes.

En 1975 apparaît la couleur comme fond possible. À partir de 1980, des formes géométriques se remplissent de lignes aux couleurs progressivement contrastées, avant de devenir des blocs colorés, l’année suivante, et de se déformer sous l’effet de projections isométriques, comme c’est le cas dans Sans titre, 1988.

Caractéristique de l’exubérance colorée et décorative des Wall Drawings des années 1980, le lavis d’aquarelle de 1988, construit en formes successives d’arcs concentriques, pourrait se projetter aisément à grande échelle : la tension colorée d’une bande à l’autre et l’écrasement progressif du cercle vont à la fois définir l’architecture et la modifier, dans un double jeu mental et visuel, où la séduction n’est jamais absente.

Camille Morineau

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008