Le Centre Pompidou &... Xavier Veilhan
Ses sculptures monumentales aux formes géométriques, presque pixelisées, ont fait le tour du monde, de Versailles à New York. À 57 ans, Xavier Veilhan est l'un des artistes français les plus connus dans le monde. En 2017, il est même choisi pour représenter la France à la Biennale de Venise. Son travail, à l'intersection de la sculpture, de la peinture et de la vidéo puise notamment dans la technologie (captation 3D et modélisation) pour s'affranchir du réel. Féru de design (il collectionne les créations de Charles Eames, des frères Bouroullec ou d'Inga Sempé par exemple), Veilhan est aussi passionné de musique : en 2007, il réalise la pochette de Pocket Symphony, album du groupe électronique Air. C'est en 2001 que le Centre Pompidou acquiert son « Rhinocéros », monstre de résine rouge aux lignes aérodynamiques – devenu depuis l'une des œuvres phares de la collection. L'animal, qui pèse près de cent kilos, a rejoint le 20 janvier l'espace central du Forum. Rencontre avec un amoureux du Centre Pompidou.
« Je suis ravi de voir mon "Rhinocéros" revenir au Centre Pompidou, il l’avait quitté pour partir en tournée nationale et internationale, et je le voyais resurgir de temps en temps. J’avais beaucoup aimé qu’il soit utilisé comme un élément de signalétique dans le Centre pour signifier les règles de distanciation sociale, presque comme un logotype. Cela rejoignait l’essence de ce que je cherche à faire. À l’origine, cette pièce a été conçue à la demande du commissaire d’exposition Hervé Mikaeloff et d’Hedi Slimane, alors directeur artistique chez Yves Saint Laurent. C’était à la fin des années 1990, et ils voulaient quelque chose de percutant pour la vitrine de la boutique de Soho, à New York. J’ai trouvé l’idée intéressante, l’espace était grand et la rue très passante.
"Le Rhinocéros" est un objet à la fois minimaliste et pop, qui évoque un objet industriel, par sa brillance notamment et sa couleur rouge, un peu comme un bolide.
Xavier Veilhan
"Le Rhinocéros" est un objet à la fois minimaliste et pop, qui évoque un objet industriel, par sa brillance notamment et sa couleur rouge, un peu comme un bolide. Il y a une vraie tension entre cet animal presque préhistorique et le traitement de l’objet, très technique.
Le Centre Pompidou a pour moi à la fois une dimension personnelle et générationnelle. Je suis provincial, né à Lyon, mais j’ai grandi en Normandie, et je me souviens bien de son inauguration en 1977, je devais avoir 14 ans : ce bâtiment était comme l’époque, celle du punk, un moment de fraîcheur à mes yeux, l’irruption de quelque chose qui n’aurait pas dû avoir lieu… C’est mon bâtiment préféré au monde, je ne crois pas qu’il y en ait un autre qui ait la même audace ! Pour moi, c’est une idée qui est passée dans le réel, et c’est ce que j’essaie de faire à ma petite échelle, quand je transforme un objet onirique ou une vision en réalité.
Le Centre Pompidou est mon bâtiment préféré au monde, je ne crois pas qu’il y en ait un autre qui ait la même audace ! Pour moi, c’est une idée qui est passée dans le réel, et c’est ce que j’essaie de faire à ma petite échelle, quand je transforme un objet onirique ou une vision en réalité.
Xavier Veilhan
Ce qui est beau avec les endroits emblématiques, c’est qu’ils existent même pour des gens qui n’y sont jamais allés. Le Centre Pompidou, c’est l’idée de la modernité telle qu’on l’avait dans les années 1970, et qui a traversé les époques. Rétrospectivement, lorsque l’on regarde la composition du jury qui a consacré le projet de Renzo Piano et Richard Rogers, il n’y a que des pointures, Jean Prouvé, Oscar Niemeyer, Philip Johnson… Et ils ont osé donner une chance à ces jeunes architectes inconnus, largement inspirés par les recherches du mouvement utopiste britannique Archigram. J’ai rendu hommage à Piano et Rogers lors de mon exposition à Versailles en 2009, pour laquelle j’avais conçu une dizaine d’œuvres, notamment pour les jardins. On pouvait voir dans mon « Allée des architectes » des sculptures de ceux qui sont des références pour moi, Claude Parent, Norman Foster, Jean Nouvel, Tadao Ando… et bien sûr Rogers et Piano. Les deux sculptures font désormais face au Centre Pompidou, côté Piazza, comme la signature de leur bâtiment, un regard rétrospectif sur ce qu’est devenu le Centre Pompidou. Pour les réaliser, j’ai demandé à Rogers et Piano de prendre longuement la pose, pour enregistrer l’image via un scanner numérique. Un peu comme pour les photos de Nadar, que je collectionne. Ensuite, j’ai poussé la simplification de la statue à l’extrême, avec un logiciel qui traduit le tout en polygones… jusqu’à arriver à ce qui pour moi est l’essence même des personnes.
Je me souviens être allé voir l’exposition Dalí en 1979, j’avais adoré ! J’en ai un souvenir certainement éloigné de la réalité, avec une traction avant et une cuillère géante suspendues dans le Forum… J’étais aussi allé voir en 1985 l’expo "Les immatériaux", comme tous mes copains artistes. Mais j’avoue qu’à l’époque ça m’était un peu passé au-dessus, je le regrette maintenant. J’ai aussi de beaux souvenirs de Jeff Koons ou de Bernard Bazile en 1993, un artiste assez peu connu mais très puissant. Ça m’a marqué ! » ◼
Related articles
Xavier Veilhan, Le Rhinocéros, 1999 - 2000
Résine, peinture polyester, vernis, 172 × 120 × 415 cm (détail)
© Veilhan / Adagp, Paris
© Centre Pompidou