Le Centre Pompidou &… Lauren Bastide
En 2016, lorsqu'elle lance son podcast « La Poudre », Lauren Bastide est loin de s'imaginer que son idée de micro ouvert à des personnalités de tous bords pour parler féminisme, invisibilisation et intersectionnalité allait avoir autant de succès. Cinq ans plus tard, la journaliste et documentariste est à la tête d'un véritable média qui cumule plus de dix millions d'écoutes. Autrice très prolifique — son dernier livre, Présentes, interroge la place des femmes dans l'espace public et politique (Allary Éditions). Rencontre avec une jeune femme bien dans son époque.
« J’ai grandi à Orléans, qui n’est qu’à une heure de Paris, et j’ai des souvenirs de dimanches passés au Centre Pompidou quand j’avais 7 ou 8 ans, avec mes parents. Ils s’intéressaient beaucoup à l’art, mon père est galeriste. Ils m’avaient sensibilisée à l’audace du bâtiment, à son côté transgressif… Moi, ce qui m’a le plus frappée, ce sont les escalators ! Je pouvais passer des heures à admirer cette vue sur les toits de Paris. Je suis Parisienne depuis les années 2000, et quand je voulais impressionner une copine venue en visite, je l’emmenais toujours déjeuner ou boire un mimosa au « Georges », ça faisait son petit effet ! J’ai aussi beaucoup de tendresse pour la fontaine de Niki de Saint Phalle, sur la place Stravinsky. Niki de Saint Phalle, c’est d’ailleurs la première artiste femme dont j’ai connu le nom. Mes parents m’en avaient simplement parlé, et ça a eu un impact très fort sur mon imaginaire, cela s’est imprimé dans mon petit cerveau. Être femme et être artiste, c’était possible. J’aime aussi le parvis de Beaubourg, cette Piazza qui vient de rouvrir. J’y ai fumé un nombre incalculable de clopes ! Ce quartier est celui de mes premières années parisiennes, des friperies, du cinéma mk2 aussi où j’allais souvent. J’ai aussi passé pas mal de temps à la Bpi (Bibliohèque publique d'information, ndlr), c’est là que j’ai écrit mon mémoire universitaire quand j’étais à Sciences Po, puis en stage à Courrier International. Je me souviens y avoir fait la queue pendant des heures… Il y a trois ans, j’ai eu la chance d’enregistrer un épisode de mon podcast « La Poudre », consacré à l’art, avec Aïcha Snoussi, Fabienne Dumont et Camille Morineau dans le Forum, en public. C’est un très beau souvenir. À cette occasion j’ai découvert les coulisses du Centre Pompidou, les sous-sols, les entrailles du Musée…
La première exposition que j’ai réellement comprise et perçue comme personne construite, c’est celle sur Nicolas de Staël – qui est aussi le peintre préféré de mon père. Celle qui m’a profondément marquée, c’est « elles@centrepompidou », en 2009. Ce fut un vrai choc féministe pour moi, une forme de déclencheur. J’y ai passé cinq heures avec ma petite cousine, à lire toutes les notices d’œuvres… C’est ma petite manie ! Je connaissais évidemment certaines artistes femmes exposées, comme Sophie Calle ou Louise Bourgeois, mais jamais avant je ne les avais autant ressenties dans ma chair… Je suis admirative de tout le travail accompli par la commissaire d’exposition Camille Morineau pour exhumer les histoires et les traces de ces artistes. C’est vraiment à ce moment-là que j’ai compris le concept « d’invisibilisation », autour duquel je travaille désormais. J’ai acheté le catalogue, que j’ai gardé religieusement. Un autre moment fort, c’est cette œuvre de Mona Hatoum, dont j’ai vu l’exposition (en 2015, ndlr), une carte du monde réalisée en billes de verre, au sol, avec en fond cette vue imprenable sur Paris… C’était comme si l’œuvre était suspendue dans l’air. C’est une des plus belles émotions que j’ai eues à Beaubourg. » ◼
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Portrait de Lauren Bastide
© Marie Rouge - Allary Éditions