
Focus sur... la « Bibliothèque de la Maison du Mexique » de Charlotte Perriand
Chaises, lits, bureaux, rangements pour des ensembles scolaires… Après la Seconde Guerre mondiale, Charlotte Perriand (1903-1999) participe à l’aventure du design dans le contexte des chantiers de la Reconstruction, et notamment à l'exécution de commandes publiques.
Fondée en 1925 en réponse à la Première Guerre mondiale, la Cité internationale universitaire de Paris est un projet humaniste destiné à promouvoir la paix entre les peuples, favoriser la mixité culturelle et répondre aux carences en logements étudiants que connaît la capitale. Entre 1929 et 1969, ce sont ainsi trente-sept pavillons nationaux ou « Maisons » qui sont construits sur ce site unique en son genre, dans le 14e arrondissement de Paris.
Charlotte Perriand, qui participe en parallèle à l’aménagement de la Maison de la Tunisie, fait partie de l’équipe qui aménage la Maison du Mexique en 1952, avec Jean Prouvé. Elle imagine entre autres ces bibliothèques modulables pour les chambres des étudiants. Des casiers en tôle d’acier pliée rythment la façade de cet élément à la fois structurant et décoratif, rehaussé de petites portes coulissantes en aluminium peint de couleurs simples et élégantes. Utilisable sur ses deux côtés, la bibliothèque joue également le rôle de cloison séparatrice. Produite à soixante-dix-sept exemplaires pour les soixante-dix-sept chambres de la Maison, sa fabrication a été conduite par les ateliers de Prouvé, situés à Maxéville, en Lorraine.
Utilisable sur ses deux côtés, la bibliothèque joue également le rôle de cloison séparatrice. Produite à soixante-dix-sept exemplaires pour les soixante-dix-sept chambres de la Maison, sa fabrication a été conduite par les ateliers de Jean Prouvé.
De 1952 à 1953, Charlotte Perriand réalisera de nombreux programmes d'équipements collectifs, dans le cadre d'une collaboration avec les ateliers Prouvé : en plus d'être fonctionnel, le mobilier se doit toujours d'être « discret et homogène face à l'architecture ». Dans cet esprit, elle développera des unités de rangement dès 1948, étudie des cuisines intégrées dès 1947 et des cabines sanitaires dont des équipements suspendus en 1952.

Bois, acier laqué, aluminium gaufré, 161 x 183 x 30,5 cm, Pieds en bois (2) : 20 x 20 x 26,7 cm (h x l x p)
© Adagp, Paris
Centre Pompidou, Mnam-Cci /Dist. Rmn-Gp
Théoricienne de l'art d'habiter et designeuse engagée, Charlotte Perriand a influencé le design en s'intéressant aux questions de son temps liées aux logements, aux équipements collectifs et aux nécessités fonctionnelles de l'habitat. Elle a su montrer que « l'important ce n'est pas l'objet, mais l'homme ».
Dès ses débuts, après des études à l'École de l'union centrale des arts décoratifs, Charlotte Perriand rompt avec la tradition et défend l'utilisation de matériaux nouveaux comme le métal. Elle en fait la démonstration avec son Bar sous le toit puis avec sa Salle à manger. En 1927 elle devient l'associée de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret pour l'équipement de la maison, et à leurs côtés, elle décide de se battre contre l'académisme de certains salons. Elle fonde ainsi l'Union des artistes modernes (UAM) en 1929.
Charlotte Perriand collabore aux recherches avant-gardistes de Le Corbusier sur l'étude du logis minimum et elle les applique à des projets personnels comme la Maison de week-end ou le Refuge Bivouac. Son engagement se poursuit pendant les années 1930 : proche du parti communiste, elle ne cache pas ses sympathies qui influencent sa réflexion sur l'architecture moderne, en particulier, la Maison du jeune homme en 1935 et différents photomontages comme La Grande Misère de Paris en 1936.
Charlotte Perriand a également marqué l'histoire du design par sa personnalité. Femme libre et passionnée, elle a su intégrer son ouverture à d'autres cultures et son amour pour la montagne à ses réalisations.
Charlotte Perriand a également marqué l'histoire du design par sa personnalité. Femme libre et passionnée, elle a su intégrer son ouverture à d'autres cultures et son amour pour la montagne à ses réalisations. Invitée au Japon en 1940, comme conseillère à l'Institut d'art industriel, elle est très vite séduite par la culture japonaise qui confirme sa vision de l'occupation de l'espace. Au Brésil, Charlotte Perriand rencontre une autre culture qui la séduit par sa richesse, sa sensualité et son exubérance. Passionnée de montagne, lieu pour elle d'équilibre physique et moral, la designeuse a collaboré pendant presque vingt ans, de 1967 à 1986, à la création de la station de ski Les Arcs. Intervenant au niveau de l'urbanisme, de l'architecture et de l'équipement intérieurs des appartements, elle privilégie les larges baies vitrées donnant sur l'extérieur, les cuisines ouvertes, les salles de bains préfabriquées en deux coques et une économie très étudiée de l'espace.
Figure majeure du design du 20e siècle, Charlotte Perriand, qui a dédié sa vie « à la recherche sincère et constante d'un art de vivre en accord avec son temps », continue d'influencer durablement notre habitat contemporain. En 2005-2006, le Centre Pompidou proposait la première exposition monographique consacrée à la designeuse depuis sa disparition en 1999. ◼
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Bois, acier laqué, aluminium gaufré, 161 x 183 x 30,5 cm, Pieds en bois (2) : 20 x 20 x 26,7 cm (h x l x p)
© Adagp, Paris
Centre Pompidou, Mnam-Cci /Dist. Rmn-Gp