Cécile B. Evans, une voix radicale
C’est un ballet romantique en deux actes, parmi les plus connus du monde, un « pur chef d’œuvre » pour Camille Saint-Saëns. Créé à Paris en 1841, Giselle reprend le thème classique de l’amour impossible, et conte l’histoire d’une jeune paysanne éprise d’Albrecht, un homme qui lui ment sur son célibat et son statut de prince. Elle finira par hanter le royaume des morts. Inspiré en partie par des contes populaires slaves et l’œuvre de Heinrich Heine sur un scénario de Théophile Gautier, le ballet Giselle fut l’un des grands succès de son époque. Pourtant, lorsqu’elle découvre le spectacle sur scène à Londres en 2018, l’artiste américano-belge Cécile B. Evans est « furieuse » : « Giselle meurt à la fin du premier acte, et le deuxième acte, pourtant axé sur sa transition vers l'au-delà alors qu'elle rejoint un gang de femmes mortes-vivantes de la forêt est à mon sens un gâchis. » L’artiste entreprend alors de revisiter le ballet pour le penser comme un thriller écoféministe, irrigué de tous les thèmes qui l’habitent : futur dystopique, mutalibilité, intersectionnalité.
Relu par Cécile B. Evans, le ballet Giselle devient alors Notations for an Adaptation of Giselle, une installation performative qui met en parallèle plusieurs temporalités. L’histoire de Giselle se trouve projetée dans un futur proche dans lequel, des changements climatiques et surpopulation des villes aidant, la population a migré vers des zones rurales. L’héroïne et sa mère habitent dans la forêt et s’occupent d’une distillerie de vin d’orge fabriqué à partir d’une bactérie locale qui se révèle être une « superbactérie » aux propriétés transformatives, capable de générer de l’électricité pour le village… Notations ... (d’après le terme « notations chorégraphiques ») est ainsi un récit en constant procédé de mutation et de réécriture, qui prend comme point de départ la transition cruciale au cœur du récit qui se trouve à la fois dans l'original et l'adaptation : la mort de Giselle et sa rencontre avec les wilis, ces femmes-fantômes de la forêt d’après la mythologie slave, et la développe en une performance qui mêle brouillons de script, danse, vidéo, images de caméras de sécurité, deep learning, voix humaines et synthétisées. Un tour de force narratif qui ressemble à Cécile B. Evans. À 37 ans, c’est l’une des personnalités les plus intrigantes de sa génération. Ayant étudié l’art dramatique à la New York University, Evans s’oriente vers une carrière artistique qui l’entraînera vers la scène berlinoise puis vers Londres, où l’artiste vit et travaille. Depuis, ses créations qui interrogent la valeur des émotions dans les sociétés contemporaines sont présentées internationalement. Entretien avec Caroline Ferreira, du département culture et création du Centre Pompidou.
Pourquoi adapter Giselle, symbole de l’académisme corseté du 19e siècle, de sa structure très genrée et hiérarchisée ?
Cécile B. Evans —Giselle a été créée à l'apogée de l'ère industrielle, et a été le premier à présenter une protagoniste femme aux prises avec des problèmes de classe. Cette histoire surréaliste m’a attirée. Et lorsque j’ai assisté à une représentation du spectacle à Londres en 2018, j’avais même oublié l'intrigue, et inventé ma propre interprétation de ce qui se passait : lorsque Giselle meurt à la fin du premier acte, le deuxième acte est axé sur sa transition vers l’au-delà, alors qu’elle lutte pour trouver un terrain d'entente avec les « wilis », ces femmes mortes-vivantes de la forêt… À la fin du spectacle, quand Giselle et les wilis épargnent finalement la vie d'Albrecht, cela m'a troublée. Quand j'ai découvert que Giselle était en fait un conte de « moralité féminine », et que les wilis, ces femmes méprisées sont finalement « libérées » par Giselle lorsque celle-ci leur enseigne la compassion et le pardon envers cet homme, j’étais furieuse.
Quand j'ai découvert que Giselle était en fait un conte de « moralité féminine », et que les wilis, ces femmes méprisées sont finalement « libérées » par Giselle lorsque celle-ci leur enseigne la compassion et le pardon envers cet homme, j’étais furieuse.
Cécile B. Evans
Je me suis rappelé l’étymologie du mot « apocalypse » et comment, dans la littérature, il était censé transmettre un « dévoilement », ou une révélation irrévocable qui mène à de nouveaux contextes. Mon esprit a commencé à imaginer quelques changements radicaux après la mort abrupte de Giselle. Comment pouvais-je utiliser la structure de ce célèbre ballet pour naviguer dans les idées que j’avais eues, liées à ma compréhension erronée de l’histoire ? À savoir, l’impossibilité et la violence de regrouper un nombre donné de personnes comme un « corps » singulier, la multiplicité complexe de n'importe quel corps unique, et la façon dont il existe de nombreuses intersections ayant un impact sur la composition de plusieurs réalités en jeux.
À partir de là, j'ai trouvé que de nombreuses parties du squelette dramaturgique de Giselle pouvaient être déroulées et réutilisées pour aborder les thèmes suivants : la notion de communauté, l’écologie de la forêt, la lutte contre les structures binaires, les frontières vulnérables entre idéologie, compromis et contamination… Ce qui m’a donné l’impression de pouvoir intéresser le public à Giselle, ce sont les occasions ratées d’adapter cette histoire pourtant surréaliste et prenante, à ce moment particulier de notre histoire, que j’appelerais la « quatrième vague industrielle ».
Le projet se compose d’un film, d’un ensemble de sculptures ou de stations centrales ainsi que d’une performance. Comment cela s’articule ?
CBE — Au lieu de prétendre que j'ai la capacité d’aborder la totalité d’un sujet imposant de ma propre initiative, j'aime fractionner un projet à grande échelle en plusieurs parties distinctes. Cela me permet d’évoluer avec plusieurs idées au travers de différents formats et supports, mais aussi de présenter le projet à différentes étapes, de voir comment le public réagit, et quelles sont ses critiques afin de pouvoir les développer dans les étapes suivantes.
Le film A Screen Test for an Adaptation of Giselle a été le premier temps de ce que j'imagine être en trois étapes. J'ai essayé de le voir comme une bande-annonce expérimentale construite à l'envers, un lieu où je pouvais rassembler différents esprits et interprètes ainsi que tester différentes techniques et stratégies visuelles. Comment puis-je travailler avec les gens et comment veulent-ils travailler avec moi ? Quels sont les outils que je peux utiliser pour incarner un sens d'hybridité, de multiplicité et de mutabilité ? Comment puis-je intégrer des critères éthiques dans la production afin que cela fasse partie de l’ensemble ? Produire et monter ce film m’a permis d’exposer certaines des fragilités reliées à ces questions. Concrètement, assembler des actions en direct avec des effets visuels ou des animations, différentes générations de capture d'images animées, ou même un traitement croisé de séquences YouTube avec du 16 mm à travers le biais de programmes de Deep Learning (comme DeepFaceLab et DeepPrivacy), semblait être une première étape naturelle pour construire le cadre de cette adaptation.
Assembler des actions en direct avec des effets visuels ou des animations, différentes générations de capture d'images animées, ou même un traitement croisé de séquences YouTube avec du 16 mm à travers le biais de programmes DeepFaceLab et DeepPrivacy, semblait être une première étape naturelle pour construire le cadre de cette adaptation.
Cécile B. Evans
Pour ce film, je voulais vraiment aller dans la forêt avec un groupe de personnes pendant quelques jours, travailler sur des idées en temps réel, puis l'utiliser comme base pour tester différentes possibilités narratives et visuelles non formelles. A Screen Test for an Adaptation of Giselle… en est le résultat.
La troisième et dernière étape de cette adaptation en cours est une installation vidéo de format plus long, de sorte que la deuxième étape devait complètement changer de support. J'ai pensé que ce serait un défi essentiel d'essayer de retraduire Giselle dans l'esprit de sa vivacité et de sa forme d'origine. Je viens du théâtre expérimental, il aurait été étrange de ne pas y revenir et de voir ce qui pourrait en résulter ! Notations for an Adaptation of Giselle a été conçue comme une installation performative avec des boucles temporelles créées grâce à des éléments sculpturaux, de flux en temps réel et de séquences enregistrées avec les interprètes eux-mêmes.
À bien des égards, j’essaie de prolonger le format film afin de créer un lieu dans lequel la vulnérabilité et l’aspect live du projet peuvent se dérouler dans un cadre étroit qui protège tous les performers, en établissant un cadre éthique que je voudrais maintenir tout au long. Exposer ensemble ces deux étapes distinctes (le film et l'installation performative) côte à côte offre une excellente opportunité d'inclure le public dans les processus complexes d'adaptation (ou de destruction) de ce conte colossal.
Comment avez-vous choisi les performers pour votre Giselle ?
CBE — Le travail que je mène consiste à raconter une histoire, mais il est important pour moi que la narration soit une démarche qui permette sa propre remise en question, et qu’elle ne soit pas prisonnière d'une vision unique. Inviter des personnes qui auront, d’après moi, un réel souci d'honnêteté et de responsabilité face à la narration, me permet de créer un système de garde-fous vis-à-vis de mes propres angles morts.
Alexandrina Hemsley, qui joue Giselle est la première personne que j'ai contactée – c'est une danseuse reconnue, chorégraphe et autrice installée à Londres. Au-delà de son immense talent, elle a une très fine compréhension de différents thèmes abordés dans le film, notamment la question de la multiplicité comme stratégie. Elle possède une rare capacité à lier entre elles réflexion intellectuelle et pure intuition. De telles performances et processus représentent de solides arguments contre le dualisme esprit/corps et autres binarités que je trouve stériles. Avec Alexandrina, une grande partie de la préparation de ce rôle consiste à écouter les différentes façons qu'elle a de communiquer (discussions, déplacements, qualité de présence) et ensuite je lui donne des indications qui peuvent l'aider à naviguer dans le monde de Giselle tel que j'essaie de le développer. Je veux y parvenir sans rien perdre de la riche analyse d'Alexandrina en tant que performer : une sorte d’interprétation multidirectionnelle.
Rebecca Root joue la mère de Giselle. J'ai découvert son travail au cinéma en 2015 dans le film The Danish Girl de Tom Hooper, et à la télévision (la série Boy Meets Girl sur la BBC), puis son activisme dans la communauté trans. Elle porte une expérience vitale qui remet en question mon éternel amateurisme comme réalisatrice. La matriarche dans cette histoire doit posséder cette dimension à la fois énigmatique et accessible. J’utilise les personnages pour démêler les micro-thèmes en relation à des macro-thèmes plus centraux. Cela permet des créer ce que j’appelle des hyperliens à l’histoire, d’ouvrir la narration à différentes questions et idées. L’un de ces hyperliens est la complexité du sentiment de responsabilité en amitié et au sein de la communauté.
J’utilise les personnages pour démêler les micro-thèmes en relation à des macro-thèmes plus centraux. Cela permet des créer ce que j’appelle des hyperliens à l’histoire, d’ouvrir la narration à différentes questions et idées.
Cécile B. Evans
J’ai inventé le rôle de Leonida, la meilleure amie de Giselle, pour détourner le triangle amoureux traditionnel et abusif décrit dans la version originale, et résoudre les problématiques liées à la complicité aveugle, au consentement et à la toxicité affective. C’est Lily McMenamy qui joue Leonida. Par ailleurs mannequin, elle a été formée à l'école de théâtre Jacques Le Coq et entame un Master de performance à l’Université Goldsmith à Londres. Elle aborde, elle, la performance comme un espace complètement liminal : sa démarche transversale et son infidélité aux formes sont parfaites pour nourrir ce personnage.
Le rôle de Myrthe est joué par Viktoria Modesta dans le film, et par Sakeema Crook dans la performance. Viktoria est une sorte de « popstar bionique », une activiste qui fait du handicap un atout cyborgien, en sortant de l’analyse strictement binaire valide/non valide. Ce qui m'a frappé au cours de nos discussions, c'est notre désir de voir se dissoudre les structures créées par la société autour de l'identité et leurs capacités à être dissoutes. C'est un sujet dont j'ai également discuté avec Sakeema – qui a une expérience en ballet, en voguing. Lors de notre première rencontre, nous avons parlé de l’identité comme quelque chose de radicalement indéterminé et évanescent, et qui n’existe que selon ses propres modes de développement.
L’ensemble des performers, tout comme leurs personnages, possèdent chacun une compréhension de l’existence et/ou de la réalité qui change constamment au gré des mouvements ou des différents angles de vue. Cela est essentiel pour redéfinir ce que signifie faire partie d'une « communauté », et pour accepter que la notion de corps singulier n’existe pas, ni en tant qu’individu, ni comme groupe.
Dans votre version, la mort de Giselle provoque sa transition, ce qui peut être vu comme une stratégie de survie. La réécriture de cette histoire sort des schémas binaires pour offrir une autre lecture. En quoi le concept de « mutation » est-il important ?
CBE — Je voulais aborder la transition vers l'au-delà pour dire quelque chose sur la nature même des transitions. Je crois que les transitions ne sont pas linéaires, et les aborder de manière essentialiste peut être très violent. Donner à n’importe quelle situation la possibilité d'avancer ou de reculer, une seule fois, semble dangereux et même fatal. Dans l'évolution, la linéarité est une sorte d'extinction – les espèces les plus anciennes sont dans un état de changement constant : méduses, oiseaux, virus, bactéries...
Je voulais aborder la transition vers l'au-delà pour dire quelque chose sur la nature même des transitions. Je crois que les transitions ne sont pas linéaires, et les aborder de manière essentialiste peut être très violent.
Cécile B. Evans
En tant qu'humains, nous avons conçu un grand nombre de nos systèmes pour qu'ils produisent des résultats prévisibles et constants. Cela n'est absolument pas compatible avec l'histoire de cette planète, où la seule constante a été l'instabilité. Nous aurions dû apprendre que rien d'humain n'est imperméable au changement… L’autrice américaine Ursula K. Le Guin y fait explicitement référence dans ses textes : « Toute puissance humaine peut être combattue et changée par les êtres humains ». La mutation, ou plus précisément la mutabilité, semble apparaître comme une solution efficace face à l'échec de la linéarité.
Le projet entend aussi créer une structure afin que les vulnérabilités puissent exister et trouver un moyen de prospérer… Comment envisagez-vous cette structure ?
CBE — Inclure la vulnérabilité dans une œuvre ajoute de la valeur et de la profondeur à toute expérience, et c’est un privilège pour le public qui en est le témoin. Cette possibilité peut facilement être limitée ou devenir sourde à sa propre possibilité, il est nécessaire de créer une structure où ces vulnérabilités sont protégées et en sécurité. La première étape, à mon avis, est de s'assurer que ces vulnérabilités peuvent être libérées de la charge de se représenter elles-mêmes. La « représentation » de la vulnérabilité est une chose qui a longtemps renforcé les aspects tragiques inhérents à une ou plusieurs personnes. Par exemple, l'archétype de la « femme tragique » dans les récits, une figure souvent écrasée et fétichisée, le plus souvent utilisée comme un moyen pour valoriser un partenaire homme cisgenre et de masquer sa banalité.
La représentation de la vulnérabilité est une chose qui a longtemps renforcé les aspects tragiques inhérents à une ou plusieurs personnes. Par exemple, l'archétype de la femme tragique dans les récits, une figure souvent écrasée et fétichisée, le plus souvent utilisée comme un moyen pour valoriser un partenaire homme cisgenre et de masquer sa banalité.
Cécile B. Evans
Cela est aussi vrai dans la version originale de Giselle que dans un film comme Bladerunner 2049 : certaines personnes naissent belles et tragiques et mourront magnifiquement et tragiquement… Je trouve ça terriblement ennuyeux, et c’est même dans le pire des cas une forme d’exploitation. Cela demande à un performer de cultiver et de représenter quelque chose de douloureux pour lui, ce qui peut être contre-productif et lui compliquer la tâche pour donner le meilleur de lui-même, et son travail le plus innovant. La vulnérabilité est plus convaincante lorsqu'on lui permet d'exister en tant que couche contributive plutôt que comme une surface plane sur laquelle on a projeté quelque chose.
Le projet est transposé dans un futur proche dystopique. Les thématiques de la vidéosurveillance, de la pollution, de l’infection ont résonné avec la situation de pandémie que le monde a affrontée ces derniers mois… Quelles réflexions vous viennent à ce propos ?
CBE — Je me bats contre les termes « dystopie » et « utopie », car je les trouve trop binaires. Tout « idéal » issu d'une vision ou d'une subjectivité binaire se heurtera inévitablement aux multiples réalités vivantes de cette planète. Le public est devenu plus intelligent, plus conscient de la manière sinueuse avec laquelle la vie se négocie tous les jours. Je veux que Notations questionne ses propres idéaux, plutôt que de simplement les illustrer. C'est pourquoi j'ai choisi de développer quelque chose qui soit investi dans une démarche d'adaptation et non pas de présenter une adaptation pure et simple.
En tant qu'artiste, je ne peux qu'espérer créer des situations où un public a la possibilité d'imaginer simultanément différentes solutions, idéaux, contre-idéaux ou d'autres façons d'exister. Lorsqu'il s'agit de cet imaginaire, ce qui m'excite le plus, ce sont les propositions compliquées, qui soulignent l'incertitude et le paradoxe, et qui donnent la priorité au droit d'éprouver de la joie dans tout cela.
Ces derniers mois, de nombreuses conversations en ligne ont porté sur la situation actuelle, et il en est ressorti une manière de parler décousue : de longs fils de discussions interrompus dans des forums par un « posteur originel » admettant être lui-même perdu, des idées qui se développent et se multiplient au lieu de s’articuler… Ces nouvelles façons de parler de l’art et de la vie après que tout ait été arrêté semblent finalement libres, libérées du besoin de fournir un élément de langage clair pour un « nous » universel qui n’existe pas.
En tant qu'artiste, je ne peux qu'espérer créer des situations où un public a la possibilité d'imaginer simultanément différentes solutions, idéaux, contre-idéaux ou d'autres façons d'exister.
Cécile B. Evans
Je veux que cette performance reflète cette énergie, pour nous engager dans ce qu’Octavia Butler appelle « une obsession positive », sur la façon dont ces entités veulent vivre ensemble. Je veux que Notations se batte et questionne ses propres idéaux, plutôt que de simplement les illustrer. En un sens, le public devrait pouvoir ressentir cet aspect work in progress au sein de cet espace. C’est pourquoi j’ai choisi de développer un projet qui soit investi d’une démarche d’adaptation et non pas de présenter une adaptation pure et simple. ◼
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Cécile B. Evans, A Screen Test for an Adaptation of Giselle, 2019
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