Sans titre

L’historiographie nous a longtemps fait croire que l’abstraction en peinture était fondamentalement opposée à l’image, au readymade ou encore au pop art. Après la remise en cause de ces oppositions par des artistes comme Olivier Mosset, John M. Armleder ou Peter Halley, au début des années 1980, de nouvelles générations de peintres ont pu relever la tradition abstraite d’une manière libérée à la fois des interdits moraux et de la nécessité de la déconstruction démonstrative qui pesaient sur leurs prédécesseurs. Sylvie Fanchon ne trouve pas ses motifs dans le monde extérieur ; ils naissent souvent de dessins quasi automatiques, surtout du travail du pinceau et de la couleur sur la toile, et gardent visibles les traces accumulées de cette naissance. Mais ces motifs se présentent au regardeur comme des images à part entière, distinctes du fond monochrome qui les porte, avec une dimension iconographique de plus en plus prégnante à partir du début du siècle. Ici, un tracé rouge propose une sorte d’itinéraire heurté pour le regard, avec des articulations et des déviations matérialisées par des cercles. Le motif, suivant les lois de la pesanteur, s’ancre au bord inférieur du tableau, de telle sorte qu’il semble fragmentaire. La composition repose ainsi sur un déséquilibre que la quantité et la matité du bleu recouvrant la plus grande partie de la surface tentent de rattraper, sans laisser penser qu’une harmonie supérieure et utopique pourrait exister hors de notre portée.

Éric de Chassey

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007