Sans titre

En 1977, Yves Reynier abandonne la peinture pour réaliser des collages, d’abord en utilisant ses propres toiles découpées, puis, à partir de 1979-1980, avec des matériaux divers, en général banals et légers, qu’il récupère ici ou là. Grâce à la donation Daniel Cordier, le Mnam possède tout un ensemble de ces petites œuvres – Reynier ne travaille jamais en grand –, où l’on voit avec quelle subtilité l’artiste parvient à réaliser, à partir de quelques éléments, des compositions souvent très variées, pleines de mystère et d’humour. Influencé par la vision fragmentaire qu’il a eue des fresques romaines (il est pensionnaire à la Villa Médicis de 1973 à 1975), il assemble dans ses reliefs des morceaux de mémoire, allusions au jeu, à l’enfance – avec les ballons ou, comme ici, les plumes, les baguettes de mikado – ou bien encore à certains rituels d’autres cultures auxquelles il s’intéresse (l’hindouisme, par exemple). Mais dans de nombreuses œuvres, on voit aussi qu’il sait parodier ces emprunts, dans tous les cas ne pas leur donner de signification exacte. Ainsi, dans cette œuvre en particulier, il donne une apparence à la fois guerrière et magique à cet objet très domestique qu’est la planche à découper. Il semble que l’artiste veuille toujours jouer avec les multiples significations des objets, ainsi qu’avec la mémoire, en abandonnant dans l’espace ces petites reliques, ces lambeaux de réalité qui ressemblent parfois à des idéogrammes dont on ne connaîtrait pas l’alphabet.

Claude Schweisguth

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007