Blanc

Le travail de Pierre Dunoyer procède d’un cadre théorique qui pose, en des termes phénoménologiques, la distinction entre peinture et tableau. Il affirme : « Revendiquer le tableau comme objet en le différenciant de la problématique de la peinture, c’est admettre la peinture comme la plastique susceptible de manifester l’étant tableau ». Cette distinction qu’il positionne au fondement même de sa pensée, constitue le ressort d’œuvres dont la réalisation exige une méthode complexe que ne révèle pas leur vision rapide : sur un fond monochrome (bleu, blanc, rouge, vert, jaune ou noir), Pierre Dunoyer dispose d’épais empâtements blancs, qui s’étirent et s’entrelacent. Ils sont ensuite peints dans une palette qui puise en ces mêmes couleurs, car : « On ne peut pas concevoir le tableau sans le phénomène de la pluralité des couleurs, leur distribution non pas chromatique mais topologique, leur capacité à dire un lieu plutôt qu’un autre, à distinguer donc à déspatialiser. » D’infinitésimales traces de la matière blanche initiale, devenue support, surgissent subrepticement des creux et des arêtes, provoquant l’incertitude, rendant manifeste une autre des affirmations de l’artiste : « la question n’est pas du tout de préjuger de l’aspect, mais de considérer la possibilisation effective de la pose du peint sur le plan. » La présence du tableau, dès lors, s’impose « étante et non comme la manifestation créatrice d’un individu » : Pierre Dunoyer, malgré l’immense ambition de son projet, parvient à s’effacer en tant que sujet peignant.

Didier Schulmann

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007