J'ai salué à six pas le Commandant Lefebvre des Noëttes
[1942 - 1943]
Detailed description
Artist |
André Breton
(1896, France - 1966, France) |
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Main title | J'ai salué à six pas le Commandant Lefebvre des Noëttes |
Subtitle | Poème-objet |
Creation date | [1942 - 1943] |
Domain | Dessin | Collage |
Techniques | Carte postale collée sur carton, fils, paillettes, peinture argentée et encre de Chine |
Dimensions | 33 x 24 cm |
Inscriptions | Inscription en haut sur le montage : J'AI SALUE A SIX PAS / LE COMMANDANT LEFEBVRE DES NOETTES. En haut de la carte : ET CACHE. Au centre : JACK L'EVENTREUR. Au milieu à droite du montage : LA VIE. A gauche du montage : BRAVAIT LE HIBOU / TOUJOURS CLOUE. En bas au milieu du montage : ET SE REPARFUMAIT A LA TABLE MAGIQUE. Non signé, non daté. |
Acquisition | Achat, 1978 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1978-551 |
Analysis
Dès 1924, date du Manifeste du surréalisme et de Poisson soluble , dont certains poèmes sont composés de fragments de journaux découpés et collés au hasard, André Breton considère la rencontre fortuite comme l’étincelle d’où jaillit l’image surréaliste, dotée d’un pouvoir révélateur comparable à celui du rêve. L’objectivation des données du rêve, du hasard et de l’inconscient constituera dès lors la voie par excellence de la poétique surréaliste. Breton en appelle à la reconstitution matérielle des images oniriques, « véritables désirs solidifiés », puis à la fabrication, par le procédé du collage, d’objets poétiques. Suit une longue production « automatique » de rêves-objets, d’assemblages, de cadavres exquis… et de poèmes-objets, définis comme des « composition[s] qui tend[ent] à combiner les ressources de la poésie et de la plastique et à spéculer sur leur pouvoir d’exaltation réciproque ». Breton en réalise un nombre important ( Je vois, j’imagine , 1935 ; Madame, vous m’êtes apparue , 1937), et lorsqu’il souhaite faire entendre la voix surréaliste depuis New York (qu’il a gagné en 1941) avec le lancement de la revue VVV , il propose en 1942-1943 ce poème-objet, J’ai salué à six pas… , pour l’édition du portfolio de luxe (20 ex.) publié par la revue – qui compte aussi des contributions de Calder, Carrington, Chagall, Ernst, Hare, Masson, Matta, Motherwell, Seligmann et Tanguy. Le collage du poète est, pour chaque exemplaire, une œuvre originale, avec variantes (voir les trois versions conservées au MOMA, New York, à la Tate, Londres, et au Baltimore Museum).
Réalisé à partir d’une carte postale interprétée comme un ready-made – la façade d’un magasin de sellerie –, le poème visuel se déploie en éclats épars, à l’intérieur et tout autour de l’image. Éléments iconiques et textuels sont reliés par des fils d’Ariane qui conduisent au cœur d’un drame caché où sont convoqués Lefebvre-Desnouettes, général napoléonien condamné à mort et réfugié aux États-Unis sous la Restauration, et Jack l’Éventreur, le « génie du crime », selon Robert Desnos. Breton réaffirme, en ces temps de guerre, l’invincibilité des forces magiques, leur pouvoir vital de libération, qui font la portée révolutionnaire du surréalisme. L’économie de son intervention dans ce collage – l’écriture en lettres majuscules, presque anonyme, les fils de couleur cousus –, diffère de la complexité plastique des autres poèmes-objets de l’exil américain, tels Portrait de l’acteur AB ou Ces terrains vagues où j’erre (1941), et de la luxuriance fantaisiste des collages qui illustrent le manuscrit original d’ Arcane 17 , dédié en 1944 à Élisa Breton.
Anne Lemonnier
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008