Pic Nic Allée, 2000

Le 14 juillet 2000, plus de deux millions de convives participèrent à « L’Incroyable pique-nique » organisé le long de la Méridienne verte conçue par l’architecte Paul Chemetov, un ruban arboré traversant la France du nord au sud sur 979 km suivant le méridien de Paris. Étaient invités au festin trente-cinq photographes et plasticiens. Massimo Vitali choisit le jardin du Luxembourg à Paris pour s’adonner à son activité favorite : observer l’espèce humaine en situation de loisir. Depuis 1994, il suit toujours le même processus ritualisé : il repère un espace public densément peuplé – plage, discothèque ou station de sports d’hiver – ; se munit d’un appareil équipé d’une chambre spéciale (« Deardorff ») en bois, offrant une grande profondeur de champ ; s’installe sur un pied de sept mètres de haut pour prendre ses photographies ; enfin les tire « un peu claires » – ce qui leur confère un aspect laiteux et augmente leur luminosité –, sur grand format. À rebours de la démarche propre au photojournalisme, Vitali ne guette pas l’« instant décisif » cher à Henri Cartier-Bresson. Tel un entomologiste, le spectateur doit fouiller ces images du regard pour détailler la foule grouillante des corps qui, au fil d’une longue observation, révèle les comportements qui la structurent et les individualités qui la composent. À la marge de l’esthétique du banal revendiquée par la photographie plasticienne des années 1990, la démarche de Vitali participe, d’une façon singulière, de l’inventaire anthropologique du paysage postindustriel dont Luigi Ghirri fut l’un des précurseurs dans l’Italie des années 1970, donnant naissance à un vaste courant védutiste encore vivace aujourd’hui dans la péninsule avec Gabriele Basilico, Olivo Barbieri, Franco Fontana et William Guerrieri.

Nathalie Leleu

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007