Crucifixion
[1982]
Crucifixion
[1982]
Domain | Dessin |
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Techniques | Encre, peinture acrylique et papiers déchirés collés sur papier |
Dimensions | 70 x 100 cm |
Acquisition | Legs de l'artiste, 1998 |
Inventory no. | AM 1998-253 |
Detailed description
Artist |
Antonio Saura
(1930, Espagne - 1998, Espagne) |
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Main title | Crucifixion |
Creation date | [1982] |
Domain | Dessin |
Techniques | Encre, peinture acrylique et papiers déchirés collés sur papier |
Dimensions | 70 x 100 cm |
Inscriptions | Non signé, non daté |
Acquisition | Legs de l'artiste, 1998 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1998-253 |
Analysis
Peindre et dessiner furent toujours des pratiques conjointes et, à bien des égards, indistinctes chez Antonio Saura. Là où, chez certains, le dessin est une activité seconde – le lieu de l’ébauche, du croquis préparatoire – il a toujours été, chez lui, un moyen privilégié au service de ses obsessions. De 1971 à 1979, l’artiste espagnol en vient même à abandonner la toile pour se dédier exclusivement au papier, ce support qui, par nature, offre une rapidité propice à la saisie des images et au surgissement des formes. Pas de hiérarchie au sein des pratiques, chez Saura, mais une recherche constante de celles-ci, placée sous le signe de l’expérimentation.
Écrivain autant que peintre, illustrateur de Cervantes, Kafka, Orwell, Saura organise très tôt son œuvre graphique autour de quelques thèmes centraux : nus, autoportraits, crucifixions… La Crucifixion de 1982 est exemplaire des tensions qui traversent cette œuvre : tensions entre le désir de donner forme et le noir comme puissance d’effacement, voire d’engloutissement. Saura, qu’obsèdent la figure de Goya (dont il fait, à la même période que cette Crucifixion , plusieurs Autoportraits imaginaires ) et ses fameuses « peintures noires » faites à la fin de sa vie à Bordeaux, utilise le noir comme une puissance ambiguë. Est-ce de ce fond que naît la figure du crucifié ? Ou bien, à l’inverse, le noir ne fait-il pas office de croix : espace mortifère qui semble tirer vers l’arrière cette figure terrifiée ? Quant à la figure elle-même, est-il possible de la qualifier ? Homme ? Femme ? Humain ? C’est la possibilité même de représenter qui semble être, à l’image de cette forme torturée, soumise à la question.
Combinant encre et acrylique sur le papier, le peintre accroît la sensation qu’on est entre dessin et peinture : entre le trait qui précise et la couleur qui envahit, la lutte paraît sans fin, comme si deux forces égales s’affrontaient sans jamais pouvoir l’emporter. Saura, qui fut surréaliste à Paris, au début des années 1950, avant de devenir l’un des principaux représentants de l’Art informel en Espagne, notamment par l’entremise du groupe El Paso, dont il était l’un des fondateurs, construit, dès les années 1960, une œuvre où la tension entre figuration et abstraction agit comme un moteur puissant. Dans cette Crucifixion , c’est aussi le souvenir des grands prédécesseurs qui est au travail : ici Picasso, ailleurs Vélasquez, etc. Pour ce militant anti-franquiste de toujours, la référence n’est jamais gratuite : le modèle devient une arme, dans un conflit où peinture, politique et vision tragique de l’humanité ne font qu’un.
Pierre Wat
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Bibliography
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