Sans titre

Au tournant des années 1990, Gérard Garouste réalise un grand nombre de toiles qui tendent au non-figuratif, les personnages peuplant habituellement les œuvres antérieures se dissolvant dans la peinture comme s’ils n’étaient plus que taches, amas et couleurs agencés abstraitement. Laconiquement intitulées Sans titre , on peut difficilement y retrouver un fil narratif ou un thème, ce à quoi l’artiste s’adonnait généreusement jusqu’alors. Certes, on peut ici discerner de vagues formes – le début d’un corps, d’un élément naturel –, mais cette reconnaissance importe moins que le jeu de l’imaginaire qui emporte le spectateur dans un univers qu’il contribue à prolonger et à compléter. Un regard attentif sur les œuvres de Garouste, lorsque l’on sait son intérêt pour le récit et les mutations qu’engendre la rencontre d’une histoire et de ses images, montre que l’enjeu ne réside pas dans le débat séculaire entre abstraction et figuration mais plutôt sur les questions de la représentation. Qu’est-ce que représenter aujourd’hui en peinture, quels en sont les tenants et les aboutissants, cela a-t-il même un sens de re-présenter, donc de redire ou refaire ce qui est perçu et ce qui est vécu ? C’est là une problématique traitant du statut de l’acte créateur autant que de ses matériaux, de ses possibles images et formes que Garouste nous convie à repenser.

Jacinto Lageira

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007