Drachenkampf (Combat du dragon)

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Nouvelle acquisition

Peintre, protagoniste importante du groupe d’artistes du Blaue Reiter – l’un des mouvements majeurs d’avant-garde dans l’aventure de l’art moderne –, personnalité artistique singulière, Gabriele Münter fut aussi la compagne de Vassily Kandinsky. Son œuvre n’était pas présente jusqu’ici dans les collections publiques françaises. C’est chose faite grâce à la Société Kandinsky qui vient de faire don au musée de deux de ses peintures, dont un chef-d’œuvre de 1913, Drachenkampf [Combat du dragon], actuellement exposé dans la nouvelle présentation des collections modernes du Centre Pompidou (niveau 5).

Après des études d’art à Düsseldorf et un séjour de deux ans aux États-Unis, Gabriele Münter s’installe à Munich en 1901. Inscrite l’année suivante à l’école d’art de l’association Phalanx, elle y rencontre Kandinsky, l’un des professeurs. Leur liaison s’officialise en 1903. À partir de mai 1904, le couple entreprend un voyage de deux années qui le mène aux Pays-Bas, en Tunisie et en Italie. En mai 1906, les deux artistes séjournent un an à Paris et à Sèvres, où Münter peint notamment le premier tableau offert par la Société Kandinsky, un paysage. Deux ans plus tard, le couple s’installe à Munich. Découvrant le site de Murnau au sud de la ville, Münter y achète une maison d’été. Le couple fonde le groupe de la Neue Künstlervereinigung en 1909, avec Marianne von Werefkin et Alexeï Jawlensky, puis deux ans plus tard le Blaue Reiter. Peint en 1913, Drachenkampf s’inscrit dans un ensemble de natures mortes dont Münter se fait une spécialité depuis son installation à Munich. Beaucoup de ces compositions montrent des objets d’art populaire, jouets, figurines ou « fixés sous verre ». Drachenkampf représente ainsi une sculpture populaire russe dont la reproduction figurait dans l’Almanach du Blaue Reiter, paru l’année précédente. Très novatrice, cette publication à laquelle collabore aussi Gabriele Münter repose en grande partie sur le rapprochement entre œuvres d’art populaires et extra-européennes, dessins d’enfant et productions contemporaines. Dans Drachenkampf, Münter, en respectant la frontalité de l’image, joue d’une ambiguïté : la représentation d’un objet devient « peinture d’histoire ». Son style nettement expressionniste – touches mouvementées, choix de coloris très contrastés – sert un propos symbolique. Le combat du cavalier contre un monstre à six têtes, qui se détache sur un sol rougi par les décapitations successives, peut être interprété comme une allégorie de la victoire du spirituel sur le matériel. Cette peinture constitue un exemple impressionnant du style de Münter pour la période qui précède la Première Guerre mondiale – durant laquelle elle se sépare de Kandinsky. Son entrée dans la collection du Centre Pompidou comble une lacune regrettable et contribue à une évocation plus complète du mouvement du Blaue Reiter dans le parcours du musée.

Notes :

Don de la Société Kandinsky en 2015.

Source :
in Code Couleur, n°23, septembre-décembre 2015