Sans titre

Cette œuvre est réalisée un an avant la constitution, en 1970, du groupe Supports / Surfaces, dont Bioulès a été l’un des membres jusqu’à l’été 1972. C’est d’ailleurs lui qui, pour l’exposition organisée à l’ARC (musée d’Art moderne de la Ville de Paris), en septembre 1970, proposa le titre « Support-Surface », alors mis au singulier, contrairement à la décision ultérieure des artistes de maintenir les deux termes au pluriel. Les événements de Mai 68 en France furent l’un des moteurs de la remise en question de l’art par ces artistes, notamment de la peinture. Dans l’un des nombreux textes théoriques qu’il rédige peu après, Bioulès précise ses ambitions : « La peinture peut de la sorte, et par ses propres moyens, participer à un ensemble de luttes politiques menées sur d’autres fronts. » Cependant, il n’adhère que partiellement au programme des autres artistes du groupe : pas d’image, pas de narration, quête d’une essence de la peinture dans ses constituants matériels premiers – la toile, le châssis, la couleur – qui, dès lors, deviennent objets de recherche et non plus moyens au service d’un autre projet. Respectant le schéma de la toile montée sur châssis, Bioulès se refuse à déstructurer le tableau classique et axe sa réflexion sur la peinture même. À partir d’une recherche de matière, la couleur autonome devient l’unique sujet du tableau. Ainsi, la toile, qui reste ici sur châssis, est peinte uniformément avec un « jus » de peinture acrylique Liquitex passé à la brosse, et l’aspect mat de ce monochrome annihile par là toute expressivité et toute sensualité de ce qui pourrait être une peinture-matière.

Nadine Pouillon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007