Cadavre exquis
[1931]
Cadavre exquis
[1931]
Domain | Dessin |
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Techniques | Crayon de couleur sur papier |
Dimensions | 31 x 24 cm |
Acquisition | Achat, 1980 |
Inventory no. | AM 1980-20 |
Detailed description
Artists | Valentine Hugo (Valentine Gross, dite), Nusch Éluard, Paul Éluard (Eugène Grindel, dit) |
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Main title | Cadavre exquis |
Creation date | [1931] |
Domain | Dessin |
Techniques | Crayon de couleur sur papier |
Dimensions | 31 x 24 cm |
Inscriptions | Annotation au revers : Valentine Hugo / Nusch Eluard / Paul Eluard |
Acquisition | Achat, 1980 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1980-20 |
Analysis
Si l’engagement dans la lutte révolutionnaire – l’année 1927 est celle des adhésions officielles – n’apporte que dissensions idéologiques et ruptures au sein du groupe surréaliste, éclaté entre la rue Fontaine, la rue du Château et la rue Blomet, le terrain du jeu, innocent, rieur, amical, unit tous ses membres, et durablement. Après l’invention des « séances de sommeil » en 1922, des enquêtes et questionnaires en 1924, celle en 1925 du jeu du « cadavre exquis », qui est à attribuer au quatuor turbulent du 54, rue du Château (Prévert, Duhamel, Tanguy, Sadoul), auquel se joint volontiers Masson – les mobilise au gré de leurs rencontres quotidiennes, avec une exaltation dont Breton se fera encore le témoin en 1948. Collectif, le jeu du « cadavre exquis », dont la règle est issue de celle du jeu de société bien connu des « petits papiers », pulvérise la notion de l’individu-artiste, qui est ici livré à l’anonymat (pour le regardeur mais non pour le joueur) : la poésie est faite par tous, tel est l’impératif surréaliste. De même que l’écriture automatique était une machine de guerre contre la logique narrative, le dessin collectif s’érige contre l’image cohérente, le talent individuel, la revendication égoïste. La modestie est de règle.
La fabrique d’un dessin réalisé « à l’aveugle » à trois ou quatre mains en appelle au monde de l’inconscient et de l’enfance, qui se livre par bribes, et à toutes les fantaisies de l’humour. Mais, à l’égal du résultat « magique » de la phrase formée au fil des pliures du papier, seule l’image finale du cadavre exquis compte, sa surprise , son absurdité, ou sa séduction involontaire due au « hasard objectif » cher aux surréalistes. Monstres hybrides, corps improbables sans queue ni tête : le réservoir d’apparitions incongrues est immense. Plus qu’à la poétique du collage surréaliste, c’est à celle de l’assemblage – d’esprit encore dada – que ressortit la juxtaposition de fragments caractéristique de la série de 1927, exécutée rue Fontaine : pas d’unité visuelle, pas de cohérence plastique, mais au contraire une disjonction d’expressions graphiques, d’échelles, de mondes oniriques, de données – des plus simples (Miró) aux plus complexes (ainsi, le rébus verbal et visuel de « cil-anse = silence » proposé par Breton). Une image plurielle, chaotique, est livrée, qui est à décrypter. Une contradiction s’annonce cependant : les cadavres exquis les plus « réussis » seront ceux où s’établit une correspondance analogique d’un joueur à l’autre : le je attend le tu , le devine, lui tend la main souterrainement.
Dans les Cadavres exquis sur fond noir des années 1929-1931 – contemporains de l’écriture des Vases communicants de Breton –, le courant passe, les réponses aux sollicitations ou aux divagations les plus secrètes de chacun s’enchaînent. Un imaginaire collectif s’est, à cette date, déjà constitué, entre compagnons de route et de vie, partenaires qui se sont choisis. De ce jeu surréaliste par excellence, les dés ne sont-ils pas pipés, dès lors que chacun se plie à son enjeu ? Ces feuilles dessinées, datées et identifiées à l’arrière par Breton, sont en fin de compte des sortes de tests où s’éprouve la cohésion vivante et féconde du groupe, mais aussi la capacité ou non de chacun à être le fil conducteur du merveilleux.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008