Achille Mbembé

« Il s'agirait de réfléchir, à distance, sur le malaise des démocraties européennes en général et de la démocratie française en particulier. L' ambition serait de "de-provincialiser" la réflexion sur la démocratie et la citoyenneté en France a la lumière des avènements récents dans les banlieues, et compte tenu d' expériences plus ou moins similaires dans d'autres pays ou les questions sociales et les questions raciales sont inséparables (Afrique du

Sud et Etats-Unis notamment) ».

En publiant De la postcolonie (Editions Karthala 2000, nouvelle édition revue et augmentée 2005), Achille Mbembé s'est affirmé comme un des penseurs les plus féconds dans des domaines qui relèvent de l'histoire, de la sociologie et de la philosophie politique. Bien qu'édité d'abord en France, cet ouvrage a surtout fait l'objet de débats passionnés dans les universités anglo-saxonnes.

L'auteur est conduit à développer une double critique dont l'actualité est évidente : celle de l'universalisme abstrait (qu'il analyse comme une nationalisation de l'universel) mais aussi d'un certain usage des postcolonial studies qui à trop mettre l'accent sur les différences se détournent de la recherche du semblable. Il cite également les traits qui font la force des « démocraties occidentales » : le compromis sur lequel est fondé l'Etat Providence, la capacité de légitimer les antagonismes sociaux à travers des formes d'affrontements politiques plus ou moins pacifiques, la constitution à travers ces antagonismes mêmes d'un monde commun.

Si ces atouts aujourd'hui se délitent, sa réflexion sur l'éthique du prochain est bien de nature à renouveler la réflexion politique contemporaine

Achille Mbembé est né au Cameroun. Il est aujourd'hui professeur à l'Université de Witvatersrand et chercheur au Wits Institute for social and economic research à Johannesburg. En France, il vient de publier dans la revue Le Débat de novembre 2005 : La République désoeuvrée : La France a l'ère postcoloniale.