Cinema
Winter Soldier
21 Nov 2008
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Récemment ressorti dans les salles de cinéma françaises, Interviews with My Lai Veterans, le court métrage de Joseph Strick sur une série de soldats qui ont participé au massacre vietnamien du 16 mars 1968, a circulé internationalement, à l'inverse de ce long métrage documentaire à la fois plus fourni historiquement et plus émouvant.
Winter Soldier, réalisé par un collectif anonyme de cinéastes (dont Barbara Kopple, qui signe Harlan County deux ans plus tard), capte sur pellicule le rassemblement de 109 « anciens » soldats de la guerre du Vietnam dans un hôtel de Détroit du 31 janvier au 2 février 1971,
à l'instigation de l'association Vietnam Veterans Against the War.
Tourné en 16 millimètres noir et blanc parfois entrecoupé de photographies couleur, Winter Soldier ne comporte ni commentaire ni effet de montage surdramatisant, mais l'abondance des témoignages est telle que sa vision ne laisse pas le spectateur indemne. Viols, fusillades en masse, corps jetés d'avion dans la mer, prisonniers découpés vivants ou décapités « pour l'exemple » ce sont tout autant les faits que leur nombre, leur cruauté et le visage angélique de leurs agents qui terrifient. D'où le refus des cinémas (à l'exception d'une salle new-yorkaise) de projeter Winter Soldier à sa sortie en 1972.
Mais ce qui frappe surtout dans Winter Soldier c'est le contraste entre les atrocités que ces soldats d'une vingtaine d'années ont commises un ou deux ans auparavant, avec leur maturité, leur liberté verbale et leur sens de l'urgence politique. Il semble que, toute honte bue, ils aient à l'esprit la nécessité, alors que la guerre bat encore son plein, de rendre leur témoignage utile, et pour cela, de ne pas l'expurger.
Winter Soldier, plutôt que de multiplier les témoins, s'attache à une poignée de visages marquants - ceux des plus prolixes et des plus lucides sans doute - qui prennent corps comme personnages, doués d'une profondeur humaine qui dépasse de loin celle des fictions à la Voyage au bout de l'enfer.
Le film donne aussi une idée de la disparité ethnique et sociale d'une Amérique dans laquelle, comme le rappelle un Noir dans l'auditoire, « après le lycée, nous [Afro-américains] n'avons pas d'autre choix que d'entrer dans l'armée, sinon on finit à la rue ». Ce moment d'intense concentration des locuteurs mais aussi des journalistes de l'assistance offre à la fois un portrait en coupe de la moitié d'une génération qui n'a pu qu'entendre parler de Woodstock depuis « là-bas », et l'occasion du retour d'un pays sur son Histoire : un Indien d'Amérique n'y rappelle-t-il pas, les larmes aux yeux, que les contrats de cession des terres des Indiens rédigés par les colons stipulaient « Tant que poussera l'herbe, tant que couleront les rivières », et qu'au Vietnam, l'herbe ne poussera plus à l'endroit des centaines de villages réduits en cendres ?
When
From 8pm