Debate / Meeting
Paroles d'artistes
Colloque international
11 - 12 Apr 2013
The event is over
L'entretien d'artistes est une forme ancienne de discours qui s'est particulièrement propagée depuis le milieu des années 1950 avec la démultiplication des supports (radio, télévision, presse, réseau internet), ce qui ne rend plus systématique sa retranscription. On oublie souvent que ce genre, apparu au xviie siècle avec Félibien dans le champ de l'histoire de l'art, représente un des fondamentaux de la discipline dont l'étude reste lacunaire. Une généalogie de l'entretien d'artiste permet de pointer ses modalités dialectiques ou celles relevant de la maïeutique, mais aussi d'appréhender ses fonctions de légitimation, d'explication ou encore de contestation, alors que les relations entre oeuvres et entretiens sont interrogées par les artistes de manière plurielle.
L’entretien d’artistes est une forme ancienne de discours qui s’est particulièrement propagée depuis le milieu des années 1950 avec la démultiplication des supports (radio, télévision, presse, réseau internet), ce qui ne rend plus systématique sa retranscription. On oublie souvent que ce genre, apparu au xviie siècle avec Félibien dans le champ de l’histoire de l’art, représente un des fondamentaux de la discipline dont l’étude reste lacunaire. Une généalogie de l’entretien d’artiste permet de pointer ses modalités dialectiques ou celles relevant de la maïeutique, mais aussi d’appréhender ses fonctions de légitimation, d’explication ou encore de contestation, alors que les relations entre oeuvres et entretiens sont interrogées par les artistes de manière plurielle.
Jeudi 11 avril
14 h : Introduction
14 h 10
Liza Kirwin (Interim Director, Archives of American Art, Smithsonian Institution. Washington) Changing Perspectives on Oral History and the American Art World
Les Archives of American Art de la Smithsonian Institution abritent l’une des collections d’archives orales les plus importantes et les plus consultées à l’échelle internationale. Elle est constituée de plus de 2200 entretiens directs et personnels, avec un vaste éventail de personnalités du monde de l’art américain actives de 1958 à nos jours. Ces entretiens sont fondamentaux pour comprendre comment la mémoire, l’identité et les structures narratives éclairent et enrichissent la recherche en histoire de l’art. Dans ma communication, je ferai part de mes observations sur le développement de la collection des Archives of American Art, ainsi que de mes propres recherches en lien avec l’histoire orale, où la place du sujet dans l’entretien est questionnée.
14 h 50
Cathy Courtney (Director of the British Library’s National Life Stories’ oral history project Artists’ Lives) Art History Through Life Story History
National Life Stories (NLS) est une section du département de l’Histoire orale de la British Library. En 1990, elle créait Artists’ Lives pour documenter les vies des artistes plasticiens à partir de leurs propres mots. Ce projet, toujours en cours, compte actuellement près de 340 enregistrements. Les entretiens adoptent la méthode du récit de vie, couvrant tout autant des informations biographiques que regardant en détails la vie professionnelle. La plupart sont d’une durée de vingt heures, réalisés en plusieurs sessions, et d’autres sont plus longs. Artists’ Lives trouve sa place parmi d’autres projets NLS portant sur un large panel de professions. Cette communication examinera les effets résultant de la création de Artists’ Lives hors du strict contexte de l’histoire de l’art, et permettra d’écouter de plusieurs extraits d’enregistrements.
15 h 30
Catherine Gonnard (historienne de l’art, documentaliste, INA)
Rêves perdus ou mémoires du siècle : les femmes artistes et l’entretien
L’entretien d’un journaliste comme Jean Amrouche avec une personnalité artistique, littéraire est un genre qui s’est particulièrement développé à la radio dès les années 1940, pour prendre un véritable essor dans les années 1950. La parole s’installe dans la durée et l’intimité d’un lieu parfois sous forme d’épisodes sur une semaine ou plus. À la télévision, le genre se fait plus rare, la caméra préfère l’interview, même si du temps est donné pour entendre, le regard a besoin de s’échapper. Les artistes ont été (sont) des invités privilégiés des deux médias : les artistes masculins certes, mais pour les artistes femmes l’exercice a souvent été plus rares, du moins jusque dans les années 1970, et non sans surprise pour les questions posées…
16 h 10
Adam Harrison Levy (écrivain et producteur de films documentaires, enseignant à la School for Visual Arts, New York)
Eye to I : The Art of the Interview
Interviewer des artistes pour des documentaires télévisés équivaut à osciller entre intention et intuition, rigueur et improvisation. Il s’agit d’une conversation, mais en réalité, il s’agit d’une conversation avec un programme, une fiction, ses rythmes et dynamiques spécifiques. Les entretiens se passent entre deux personnes – c’est une inter-view. En conséquence, il y a des malentendus, des échecs et, si l’on est chanceux, également des surprises. C’est une forme paradoxale : la fabrique d’une conversation qui a pour but de capturer la spontanéité de l’esprit humain. Retraçant l’expérience vécue de l’entretien avec des artistes tels que Chuck Close, Robert Wilson et Saul Leiter, cette communication mettra au jour un processus souvent dissimulé. Elle se référera à des entretiens emblématiques du passé, révélera les ficelles de l’entretien actuel, et comparera l’entretien réalisé pour l’écran avec celui réalisé pour la page.
16 h 50
Catherine Grenier (directrice ajointe au musée national d’Art moderne, Centre Pompidou)
L’artiste, une archive vivante ?
Catherine Grenier a réalisé de très nombreuses interviews avec des artistes contemporains, et écrit trois ouvrages d’entretiens avec Christian Boltanski, Sophie Ristelhueber et Maurizio Cattelan. Par ce contact direct et au long cours avec l’artiste, l’interviewer, qui fait plus figure de témoin que d’interlocuteur, explore les territoires de la subjectivité créatrice et les interactions entre l’art et de la vie. Une forme d’empathie critique lui permet d’arpenter l’univers mental de l’artiste et de mettre en lumière certaines de ces « raisons que la raison ignore », aussi déterminantes pour la création que les données objectives. Cette pratique de l’interview de longue durée, comparable à un exercice maïeutique, est une source de connaissance importante qui met en évidence la relation entre la temporalité subjective du créateur et les déterminations historiques et contextuelles.
17 h 30 ; Pause
18 h : Table-ronde (modérateurs : Annie Claustres et Jean-Pierre Criqui)
Vendredi 12 avril
14 h : Introduction
14 h 10
André Gervais (université du Québec, Rimouski)
La transcription et l’édition de ce qui n’est pas écrit. L’exemple des parlés de Marcel Duchamp.
Si la rédaction, voire l’écriture, est aux écrits, la parole est aux parlés. Façon de distinguer les notes, les aphorismes et la correspondance, d’une part, les interviews et les entretiens ainsi que les propos et les conversations, d’autre part, avec, à la frontière, les toujours brèves allocutions, conférences et communications rédigées en vue d’être prononcées, suivies ou non de questions et de réponses. Comment disposer ce corpus et comment en articuler les motifs ? Et si, avec la Boîte Verte, Duchamp avait posé au sein de son oeuvre d’artiste une question proprement littéraire – qu’est-ce que transcrire ? qu’est-ce qu’éditer ? – , comment l’appliquer à ses paroles ?
14 h 50
Pauline Chevalier (maître de conférences, université de Franche-Comté, Besançon)
L’objet du dialogue : dématérialisation de l’oeuvre d’art et entretien d’artistes dans le contexte américain des années 1960-1970
Sur la scène artistique américaine, les années 1960-70 témoignent d’un rejet progressif de la critique formaliste, et consacrent l’entretien d’artiste comme modèle d’une critique nouvelle célébrant la subjectivité du discours et le retour au récit, au biographique. Ce glissement de l’objet vers l’individu est étroitement lié au contexte artistique, quand le discours de l’artiste donne à « voir » l’oeuvre absente, éphémère, dématérialisée. De même, la naissance de l’art processuel trouve un écho considérable dans l’entretien, c’est-à-dire la construction progressive, dialogique, du discours critique. Critique alternative ou « culture du narcissisme », l’essor de l’entretien est aussi le reflet d’un contexte intellectuel où le collectif et le dialogue constituent des préoccupations majeures non dénuées de sens politique.
15 h 30
Reva Wolf (professeur d’histoire de lart, State University of New York, New Paltz.)
Making Meaning : Andy Warhol’s Interviews.
Aujourd’hui, et bien que le sujet reste relativement peu étudié, les critiques et les chercheurs se montrent de plus en plus fascinés par l’entretien d’artiste. Le cas d’Andy Warhol constitue à cet égard une référence importante. Dans ma communication, j’analyse pourquoi Warhol occupe une telle place dans l’histoire de l’entretien. Bien que Warhol soit loin d’avoir été le premier artiste à transformer l’entretien en art, il le fit d’une manière exceptionnellement conséquente. Que ce soit en interviewer ou en interviewé, son approche met au jour l’artifice de l’entretien et la teneur de sa signification valant pour discours. Warhol semble parfois ne rien dire du tout, comme pour éviter toute communication, mais en employant une large gamme de procédés rhétoriques, il fait en sorte de produire des significations inventives, tant à son sujet que sur la nature de l’entretien d’artiste.
16 h 10
Robert Nickas (critique d’art, commissaire d’exposition indépendant, New York)
Andy Warhol : Giving Up the Ghost
J’ai toujours considéré que l’histoire orale de l’art était aussi légitime que l’histoire écrite “officielle”, et je me suis souvent demandé si une telle tradition pouvait se poursuivre après le décès de l’artiste. Récemment, il y avait une exposition à New York au Metropolitan Museum, Regarding Warhol : Sixty Artists, Fifty Years, qui était mal conçue, et la plupart des articles de presse le mentionnaient. Je pensais écrire un article, mais cela n’avait pas grand intérêt d’ajouter une critique négative supplémentaire. Aussi, j’ai écrit le texte sous forme de dialogue, comme si Warhol avait été voir l’exposition en ma compagnie, et que j’enregistrais notre conversation pendant que nous marchions dans le musée – tout comme il avait enregistré pendant des années des conversations pour le magazine Interview. Ma conversation fictive avec Warhol était une tentative pour lui redonner sa voix. Et même si certains la considèrent comme un acte de ventriloque, identique aux réanimations scientifiques de Roussel dans Locus Solus, il y a une fusion de l’auteur, du sujet et du moi qui n’est rien si ce n’est warholienne : une fiction révélatrice construite d’après (et après) les faits.
16 h 45 : Pause
17 h 30
Table-ronde (modérateur : Patricia Falguières, professeur agrégée, EHESS ; présidente du conseil d'administration du CNAP, Paris)
Direction scientifique :
Annie Claustres, conseiller scientifique en histoire de l’art contemporain (xxe/xxie siècle) à l’INHA (Paris)
Jean-Pierre Criqui, responsable du service de la Parole au Centre Pompidou (Paris) et rédacteur en chef des Cahiers du Musée national d’art moderne.
Collaboration scientifique : Marine Schütz (INHA)
Coordination : Marine Acker (INHA), Marion Gintzburger (CP)
Renseignements :
Marion Gintzburger : 01 44 78 40 05, marion.gintzburger@centrepompidou.fr
Pour recevoir les annonces de nos soirées :
Christine Bolron, paroleaucentre@centrepompidou.fr
When
2pm - 7pm
Where
Partners
Colloque organisé conjointement par l’Inha (Institut national d’histoire de l’art) et le Centre Pompidou