Marges, solitudes et communautés de l'instant

Le Grand littoral, un film de Valérie Jouve.

Le ban-lieu du monde. Marges, solitudes et communautés de l'instant, une communication de Michel Agier.

L'air de la ville rend-il vraiment libre ? Et qui veut de cette liberté-là ? D'autres mots disent la même question, apparemment inversée : la ville est le lieu de l'anomie - la perte d'une loi forte, celle du village ou du clan, qu'on croit unique et partagée - et ses rues, ses cités et ses centres commerciaux forment l'espace où se croisent les solitudes. Celles-ci fondent les foules qui peuplent la ville au quotidien. Des foules d'individus ne forment pas des communautés.

Il nous faut aussi prendre acte de la croissante extraterritorialité où des groupes et, plus encore, des foules d'indésirables sont cantonnés : ce sont les camps, les centres de transit ou les ghettos, au sein desquels des sociabilités et des solidarités se recréent même en l'absence d'une mémoire de ces espaces. Dans ces marges, des identités locales réussissent alors à se « raciner » à partir de rien. Se forme ainsi un espace de réflexions et d'actions entre le vide et le plein, entre une ville nue et une ville dense qui, à l'occasion, danse. Et défile, écrit, se masque, se théâtralise, se peint. Les moments rituels où de la communauté s'exprime sont des exercices de la liberté collective, à l'image des carnavals populaires, anciens et nouveaux, où la possibilité de sédition est toujours présente.