Antonio Caro - « Aquí no cabe el arte » (1972-1999)

A l’occasion de la donation par Antonio Caro de son œuvre Aquí no cabe el arte (1972-1999), le service Recherche et Mondialisation du MNAM / Centre Pompidou invite l’artiste colombien à présenter son travail.
Figure majeure de l’art conceptuel en Amérique Latine, Antonio Caro (1950, Bogotá) produit des icônes visuelles critiques – comme son célèbre Colombia (1977) reprenant la typographie du logo de Coca-Cola – qui renvoient à une analyse radicale de la situation sociale et économique de la Colombie depuis la fin des années 1960. L’installation historique Aquí no cabe el arte – qui dénonce la répression exercée par le régime colombien dans les années 1970 – s’inscrit dans cette démarche politique forte que l’artiste Luis Camnitzer a pu définir comme une « guérilla visuelle ».

L’artiste sera en dialogue avec Catherine David – directrice adjointe du MNAM/CCI, et Mildred Durán Gamba et Carolina Ariza, historiennes de l'art et commissaires d’exposition indépendantes.


Biographie

Né en 1950, Antonio Caro entreprend des études d’art à l’Universidad Nacional de Colombia à Bogotá, qu’il abandonne assez rapidement mais où il côtoie certains groupes politiques auxquels participait notamment Bernardo Salcedo qui devient une figure tutélaire avec laquelle il formulera les premières propositions artistiques conceptuelles en Colombie.
Travaillant ensuite en dehors des circuits institutionnels, Antonio Caro récuse l’étiquette d’autodidacte : « pour moi le seul autodidacte est Robinson Crusoé. Ce sont essentiellement les êtres et les choses qui forment une personne, y compris les faits ordinaires […]. Je suis allé de ci de là, cherchant parmi sujets et formes ce qui pourrait être appelé un style. Sans aucun doute mon bref passage par la publicité fut important, car il me donna un certain critère qui pourrait prendre 57 années d’enseignement dans une école d’art »*.

Caro met en œuvre des procédés échappant aux pratiques académiques de l’art – photocopie, prise de parole publique, affichage de posters ou encore emploi de matériaux naturels et éphémères utilisés par les populations indigènes (sel, roucou – arbuste des régions d’Amérique tropicale – etc.). Il travaille et détourne le slogan ou l'affiche pour en extraire les ressorts politiques sous-jacents et y infuser une critique radicale du système.
Très critique des institutions culturelles et artistiques latino-américaines durant la guerre froide, il s’attache à dénoncer les formes de la construction de la nation en Amérique Latine en révélant l’effacement, dans l’écriture de l’histoire politique et culturelle du pays, des populations indigènes.

L’installation historique Aquí no cabe el arte s’inscrit dans cette démarche politique forte et résonne avec ce que Luis Camnitzer a pu définir comme une « guérilla visuelle » pour évoquer les stratégies à l’œuvre dans le travail de Caro.
Constituée d’un ensemble de 16 pages cartonnées déclinant les lettres de la déclaration Ici l’art n’a pas sa place, ce travail reprend les noms de victimes étudiantes et syndicales de la dictature du Président Misael Pastrana Borrero, au pouvoir dans les années 1970.
Une première version de l’installation fut présentée en 1972 au XXIII Salón de Artistas Nacionales de Bogotá mais disparut rapidement. Antonio Caro produisit par la suite trois reposiciones (reconstitutions selon la formule de l’artiste) de la pièce : deux en 1999 dont l’une se trouve aujourd’hui dans les collections du Museo de La Tertulia de Cali (Colombie) et l’autre est l’épreuve d’artiste offerte en donation au MNAM ; et une troisième en 2014 et acquise par le Blanton Museum d’Austin (Texas).

Antonio Caro a reçu un Guggenheim Fellowship en 1998, et ses œuvres font partie de plusieurs collections importantes telles que celles du Banco de la República et du Musée d’Art Moderne de Bogotá, du Musée d’Art Moderne La Tertulia de Cali (Colombie), ou encore du Queens Museum de New York.

*extrait de l’entretien entre Antonio Caro et Natalia Castillo, 31/10/14