Cinema
Black Natchez
08 Nov 2008
The event is over
Primary
© Drew Associates, Etats-Unis, 1960, 16mm, noir et blanc, 53 min.
Primary reste mythique à deux titres : pour la persona du président au terme trop bref, et pour le coup d'envoi d'un cinéma «sans entretiens, sans reconstitutions, sans séquences mises en scènes et avec très peu de voix off», selon la définition du direct donnée par Richard Leacock. Il tire toute sa force aujourd'hui de l'avènement enjoué de la caméra légère et mobile, portée littéralement à bout de bras par une bande de braqueurs cinématographiques qui filment trente heures de rushes en quatre équipes de deux, sans savoir ce que les autres attrapent : «On se voyait le soir et on se montrait nos prises, comme des voleurs», dira Leacock quarante ans après les «faits».
Les voleurs partagent le goût de la prise avec les journalistes, et de fait, c'est un reporter de métier qui a fondé le gang : plus de dix ans après avoir été embauché au magazine Life, Robert Drew obtient l'apport du groupe Time-Life pour la production d'une série de documentaires télévisés, The Living Camera, dont le pilote sera Primary. En 1959, il crée Drew Associates et réunit une équipe de choc composée entre autres des trois futurs princes du direct : Leacock, dont il a remarqué le documentaire de 1954 sur un théâtre ambulant, Toby and the Tall Corn, Al Maysles, professeur de psychologie à New York, Terry Macartney-Filgate, réalisateur-opérateur de la série Candid Eye de l'Office National du Film canadien, et D.A. Pennebaker, auteur du film-collage sur le métro new-yorkais Daybreak Express en 1958.
Black Natchez
Ed Pincus, Etats-Unis, 1966, 16mm, noir et blanc, 60 min.
Connu pour son journal Diaries 1971-1976 et comme cofondateur du département de cinéma du M.I.T. de Boston avec Richard Leacock, Ed Pincus est aussi l'auteur d'un premier film important pour l'histoire des droits civiques aux Etats-Unis. Son diplôme de philosophie d'Harvard en poche, il voit en 1963 Showman des frères Maysles, sur un producteur hollywoodien: «J'ai détesté le film mais adoré sa technique». Loin d'un cinéma direct des grands hommes à la Primary ou Dont Look Back, Pincus se tourne donc vers une population peu filmée, peu
écoutée : la communauté noire de Natchez, foyer commercial du sud-ouest du Mississippi, état pauvre et très actif en matière de droits civiques. Tandis qu'Haskell Wexler et James Blue filment à Washington, où la loi pour les droits civiques vient d'être votée (The Bus et The March, 1964), Black Natchez documente la complexité des luttes dans le Sud, une fois la loi ratifiée : la non-violence d'un Martin Luther King, relayée par la NAACP (l'association nationale pour l'avancement des gens de couleur, fondée en 1909), s'essouffle dans un État où le Ku Klux Klan compte 5 000 membres, et où les activistes noirs sont périodiquement assassinés.
Ed Pincus structure son film autour du fameux «moment de crise» que les pionniers du cinéma direct américain jugeaient indispensable : le 27 août 1965, le leader local de la NAACP George Metcalfe est grièvement blessé lors d'un attentat à la bombe. Mais les dix premières minutes de Black Natchez révèlent qu'une organisation secrète d'autodéfense noire, les «diacres pour la justice», n'a pas attendu ce coup de grâce pour s'organiser - c'est l'un de ses membres, James Jackson, un barbier à l'impeccable coiffure en banane, qui s'offre en relais de Pincus dans Black Natchez. A travers ses doutes et ses frustrations, Jackson montre la difficulté d'un passage à l'action : «Dès qu'on demande aux gens de participer à une manifestation, ils prétextent qu'ils doivent se rendre à un enterrement. Personne ne meurt jusqu'au moment où il y a une manifestation! Je commence à me dire que le noir se ment à lui-même, qu'il n'est toujours pas prêt à faire quoi que ce soit».
When
From 8pm