Littérature, cinéma et cérémonie

18h : Projection du film Magic Skin de Tristan Bera et Dominique Gonzalez-Foerster
France | 2011 | 75 min | vidéo | 4/3 | A Human Valley Production

On parle toujours d’un vieux film mais jamais d’un vieux roman de Balzac… J.-L.G
En 2010-2011, Dominique Gonzalez-Foerster et Tristan Bera, en lecteurs et cinéphiles passionnés ou à la manière de détectives sauvages, présentent Human Valley – The Other Side of the Contemporary History à la Kunsthalle de Zurich : un scénotope inspiré d’un ciné-club amateur et de la chambre-bibliothèque d’Une femme mariée (1964) de Jean-Luc Godard. La première saison du programme, Summer : Balzac Nouvelle Vague, est dédiée aux liens stimulants, visibles et latents, que la Nouvelle Vague entretient avec l’œuvre d’Honoré de Balzac en situant les films de François Truffaut, Jacques Demy, Jacques Rivette ou Éric Rohmer, dans le projet balzacien de concurrencer la vie. À cette occasion, ils réalisent, à partir de la traduction anglaise de La Peau de Chagrin (1836), The Magic Skin, une adaptation cinéma littérale « au sens de mettre les mots à l’image et de faire image avec les mots ». The Magic Skin est « un texte filmé », prêt à l’emploi, qu’à ce titre aurait pu tourner Truffaut, qui cite déjà le roman dans La Sirène du Mississippi (1967) et dont l’œuvre est marquée de références directes à Balzac (Les Quatre Cents Coups, La Peau douce, Baisers Volés).

20h : Littérature, cinéma et cérémonie, une conversation entre Catherine Robbe-Grillet, Beverly Charpentier et Tristan Bera suivie de la projection du film Diner Noir(e) de Tristan Bera

Quand Éric Rohmer tourne Les Nuits de la Pleine Lune en 1984, il demande à l’actrice Pascale Ogier de l’introduire dans les soirées de Paris. À l’époque, les 120 Nuits, une boîte de nuit du dixième arrondissement, organise des fêtes à raison de trois soirs par semaine pendant quarante semaines. En avril 2012, à l’occasion de la pleine lune, Dominique Gonzalez-Foerster et Tristan Bera imaginent donner à Istanbul une cent-vingt-et-unième nuit, scénarisée, à cette série emblématique. The 121st Night réunit alors cent invités, venus boire et danser, et vingt-et-un personnages mondains, tout droit sortis des films de Blake Edwards ou Alfred Hitchcock, prisonniers de leurs actions cinématographiques et pris au piège d’un cycle infernal de répétitions destiné à être brisé, à la fin de la soirée, de manière mystérieuse comme dans L’Ange exterminateur de Luis Buñuel.
Deux ans plus tard, en 2014, Tristan Bera, en conversation avec Dominique Gonzalez-Foerster, inspiré par des références littéraires et cinématographiques plus sombres, imagine, dans un climat politique en pleine mutation alors à Istanbul, une suite à la soirée sous la forme d’un dîner mis en scène. L’intervention de Catherine Robbe-Grillet, accompagnée de Beverly Charpentier, toutes deux rencontrées par l’intermédiaire de Gisèle Vienne, transforme et théâtralise le scénario initial et change le dîner en une cérémonie cryptée.

Diner Noir(E) de Tristan Bera / Catherine Robbe-Grillet & Beverly Charpentier.
Avec la participation de Dominique Gonzalez-Foerster
France | 2015 | 22 min | Noir et blanc | HD| Anna Sanders films

Librement inspiré du festin noir mis en scène par Des Esseintes, le héros décadent de À Rebours (1884) de J.-K. Huysmans, et par le genre de la cérémonie masochiste, Dîner Noir(e) rassemble l’écrivaine et dominatrice Catherine Robbe-Grillet et vingt-deux invités habillés en noir dans la salle à manger d'un grand hôtel international à Istanbul. Soumis à des règles strictes pendant le repas, composé exclusivement d’aliments noirs, les invités sont transformés en lecteurs et voyeurs de tableaux vivants mixant des souvenirs biographiques liés à la rencontre d’Alain et Catherine Robbe-Grillet à Istanbul et des fantasmes cinématographiques qui forment des réminiscences inframinces de L’Année dernière à Marienbad (1961), L’Immortelle (1963) ou Salò ou les Cent vingt Journées de Sodome (1976).