Les Femmes des douze frontières / Le Convoi

S’il s’agit de filmer la parole alors c’est aux situations qu’il faut s’attacher, rendre précieuse la parole par le moment où on la filme, précieuse comme dans la réalité. C’est ce dont rend compte Les Femmes des douze frontières tout comme Le Convoi. Deux films de voyage, deux road-movies, l’un avec des femmes, l’autre avec des hommes. Deux films de huis clos.

Un groupe de femmes militantes traverse en bus l’ex-Yougoslavie en faisant étape dans les lieux les plus emblématiques de l’horreur que fut cette guerre des Balkans. Ces femmes ont été ennemies et tentent par la parole de reconstruire du commun. Pacifistes, féministes, elles veulent recréer une unité perdue. Dans ce voyage où il s’agit de sortir de la douleur dans un militantisme partagé, Claudine Bories s’attache au contraire aux paroles personnelles. Une parole brute, d’une souffrance dont peut-être on ne se remet jamais. La cinéaste fait moins partie du voyage qu’elle n'en est la première spectatrice. Il s’agit pour elle de laisser se déployer cette parole de souffrance de femmes qui se racontent et qui s’écoutent. Et, à travers ces récits, de situations en situations, de raconter en creux qu’il était une fois un peuple, qui fut, qui n’est plus, qui ne sera jamais plus.

Du côté des hommes, Le Convoi embrasse la dimension initiatique du voyage, le voyage comme le lieu de la révélation de soi. Cette expérience qui fut celle de Patrice des années auparavant, il part la filmer en accompagnant une mission humanitaire. Le film est ainsi l’aventure vécue par trois hommes de générations différentes, un cinéaste et son équipe. Ensemble, ils traversent en camion l’Europe jusqu’en Arménie. Ensemble ils affrontent les péripéties du voyage. C’est une histoire commune, celle du film et celle du tournage se confondent, une expérience partagée. Au fil de la route, chacun des protagonistes se révèle, se dévoile, se transforme. La parole surgit alors dans la tension de la chronologie du voyage, construisant ainsi toute la dramaturgie du récit.


Claudine Bories, Les Femmes des douze frontières, 2003, France, 72'

Patrice Chagnard, Le Convoi, 1995, France, 90'
53ème Mostra de Venise, Prix spécial au Prix Europa 1996, Prix Louis Marcorelles et Prix du Patrimoine Cinéma du réel 1996, Prix du public Festival de Chaumont 96, Festival international d'Amsterdam, de Banpff, d'Helsinki, Marseille, Lussas …