L'anonymat sur Internet : contrôle sans identité

Qui se cache derrière l'écran ?

Avec la circulation infiniment accélérée de messages, Internet a remis à l'ordre du jour la question de l'anonymat ou plus subtilement celle des identités d'emprunt, des pseudonymes.

La hantise de ne pas pouvoir identifier son interlocuteur est profondément enracinée dans notre histoire. Cette incertitude a eu tendance à se réduire au fil des progrès techniques et de l'emprise croissante de l'Etat ; or, voilà qu'avec Internet, c'est l'anonymat qui devient souvent le mode normal de communication.

Mais serait-ce un nouvel anonymat qui ne relèverait plus, principalement, du jugement moral sur la responsabilité ? Le singulier paradoxe d'un " univers " où la transparence est érigée en suprême vertu ? L'ultime ruse, pour préserver un peu de soi à travers les masques que l'on revêt ? Ou le simple reflet de l'affaiblissement de l'intimité et de l'identité ?

Dans une hypothèse pessimiste, l'anonymat serait moins le fruit d'une volonté de dissimulation que le constat d'une perte avérée quand l'intime se trouve en même temps jeté sur la place publique.

Pourtant, l'introduction de ce principe d'incertitude redonnerait peut-être sa chance à la liberté, au jeu, à l'opacité. Encore faudrait-il que les puissants mécanismes de contrôle ne fassent pas de ce mystère tout relatif, un nouveau facteur d'inégalité ou de tromperie des simples utilisateurs.

Avec Paul Soriano, président de l'IREPP (Institut de recherche et de prospective postales)

Jean-Pierre Baud, professeur à l'Université Paris X Nanterre, historien du droit

interrogés par Stéphane Mandard, journaliste au "Monde Interactif", et par l'équipe des Forums de société.