Margaret Honda

L’artiste américaine Margaret Honda s’empare du film une vingtaine d’années après sa première exposition personnelle. Son travail, axé sur une déclinaison conceptuelle de la sculpture, est étroitement lié à une investigation de la culture matérielle de son propre médium.

Color Correction est réalisé à partir d’un matériau trouvé : la bande de réglage servant à l’étalonnage d’un film inconnu. Le résultat est un long métrage en 35mm de pures couleurs, qui retient exclusivement la durée temporelle de sa propre matrice pour proposer une expérience chromatique déroutante : « une composition de grain photographique, clignotements, et sauts rythmiques de couleur » (J. Hoberman).

Lorsqu’elle réalise ses monochromes filmiques, les textures, la transparence et la lumière ne sont pas uniquement travaillées en tant que composantes sensorielles. Tout en retenant la sensualité du résultat, Honda vise à produire une investigation sur les propriétés matérielles du film et sur ses spécificités de fabrication industrielle.

Travaillant en collaboration avec les techniciens des laboratoires FotoKem et YCM (Burbank, Californie), Honda s’intéresse à la chaîne d’opérations qui porte les bobines de film du laboratoire à la cabine de projection, et aux nécessités spécifiques de l’appareillage de projection (35mm ou 70mm). Basée à Los Angeles, elle travaille dans les interstices de la fabrication des copies pour l’industrie hollywoodienne (les laboratoires dont elle se sert sont les mêmes qui produisent les copies d’exploitation des nouveaux films de Quentin Tarantino, Christopher Nolan, Paul Thomas Anderson). Sa pratique ne se cantonne pas à l’espace de l’atelier mais s’étend, pour reprendre son expression, à un « écosystème entier », et pose un regard inédit sur la destinée du film à l’ère du numérique.

Séance organisée en collaboration avec le festival de la Cinémathèque française « Toute la mémoire du monde », en présence de l’artiste.

Margaret Honda, Color Correction, 2015, 35 mm, 1.85:1, couleur, silencieux, 101 minutes

Remerciements : Edda Manriquez (Academy Film Archive, Los Angeles); Pauline de Raymond, Elise Girard, Juliette Armentier (Cinémathèque française) ; Lucas Quigley (New York).