Thomas Laqueur

Thomas Laqueur publiait aux États-Unis en 1990 un livre important Making Sex, traduit en 1992 chez Gallimard sous le titre La Fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident. Dans la perspective qu'ouvraient les travaux de Michel Foucault, il s'interrogeait alors sur la notion de différence des sexes dans l'histoire occidentale. Pour ce faire, il s'appuyait sur la catégorie théorique de "genre" et soulignait le déplacement entre construction sociale et sexe biologique. La conception d'un sexe unique qui se différencie, se perfectionne et se hiérarchise pour donner des hommes et des femmes, fut en effet longtemps dominante, dès sa formulation par Aristote. Ce n'est qu'au 19e siècle, soit récemment à l'échelle d'une histoire longue, que l'idée d'une différence de nature entre hommes et femmes semble provisoirement s'imposer, avec le primat donné à l'anatomie et à la physiologie. Ainsi c'est le sexe qui définit le genre. Or, c'est parce qu'aujourd'hui cette manière de poser la différence paraît justement contrebattue que Thomas Laqueur a voulu penser son historicité.

En 2005, il publie un nouveau livre : Le Sexe en solitaire. Histoire culturelle de la masturbation chez Gallimard. Il ne s'agit pas d'une histoire de la masturbation, puisque son universalité constitue un postulat de départ. Il s'agit d'une histoire de la masturbation en tant que problème, dont il décèle l'affirmation et l'exaspération au début du 18e siècle, à partir de l'exemple de la publication à Londres en 1712 d'un opuscule anonyme intitulé Onania qui la promeut au rang du mal social par excellence. D'un problème mineur, l'Occident va faire de ce sexe en solitaire une menace majeure pour l'ère de l'individu et de sa socialisation. C'est la part d'ombre de l'individualisme moderne qui se joue là, en s'opposant à la construction collective de la société.