Cinema
Dans le silence du monde
14 Dec 2018
The event is over
Naomi Kawase, La Glace de papa (Papa no sofuto kuriimu), Japon, 1988, Beta (format d’origine : 16 mm), 5’, coul., vostf et angl., inédit
Une jeune femme habillée comme une enfant entre dans un café-glacier tenu par son père, qu’elle voit pour la première fois. Pas de « reconnaissance », pas de mélodrame, juste une conversation « à bâtons rompus ».
Ce premier film sonore et en 16 mm est une fantasmagorie d’inspiration autobiographique. Naomi Kawase y interprète le rôle principal, d’après une photographie d’elle petite.
« L’idée m’est venue en regardant un album photo de mon enfance. Une photo avait été coupée en deux avec une paire de gros ciseaux à cranter (rires). Je ne sais pas ce qu’il y avait dans la moitié qui manque mais, dans l’autre, c’est moi, une petite fille qui tient un cornet de crème glacée – c’est une photo en noir et blanc. J’ai pris ce motif et je l’ai développé pour en faire un film. » Naomi Kawase, entretien avec Aaron Gerow, festival de Yamagata, 2000
Prochaine séance le dimanche 30 décembre
Naomi Kawase, Étreinte / Dans ses bras (Ni tsutsumarete), Japon – France, 1992, Beta (format d’origine : 16 mm), 40’, coul., vostf
À 23 ans, Naomi Kawase se lance à la recherche de son père, qu’elle ne connaît pas, trouvant, à travers le cinéma, le moyen et le courage de mener cette enquête.
Étreinte a obtenu une mention spéciale du prix de la presse FIPRESCI au festival international de film documentaire de Yamagata en 1995.
« Lorsqu’il s’agit de prendre le pouls d’une introspection, de mettre en bataille l’identité du soi, le récit autobiographique de Naomi Kawase n’oublie jamais que l’avenir est dans la rencontre des formes et des autres. Les fleurs, les chemins, les ciels, les arbres sont autant de fenêtres vers l’avenir. Naomi Kawase les a insérés au montage dans une alternance avec les séquences de "recherche du père". Et c’est par ces ouvertures souvent couvertes de nuages que le récit avance comme un battement d’ailes et évite ainsi de se figer dans une narration mémorielle qui aurait gravé – une fois pour toutes sur la pellicule – l’histoire de la vie de la cinéaste. […] Qu’ils soient personnages, éléments, autoportraits photographiques, lieux ou encore paysages, ces "autres" nous renvoient souvent à nous-mêmes et à l’expérience de notre propre existence. » Corinne Maury, Habiter le monde. Éloge du poétique dans le cinéma du réel, Yellow Now, 2011
Naomi Kawase, Dans le silence du monde / Le Ciel, le vent, le feu, l’eau, la terre (Kya Ka Ra Ba A), Japon – France, 2001, Beta ? (format d’origine : 8 et 16 mm transféré sur Beta), 50’, coul., vostf
Naomi Kawase apprend la mort de son père biologique, qui l’a abandonnée à la naissance. Près de dix ans après Étreinte (1992), dans lequel elle était partie à sa recherche, la cinéaste revient sur son histoire familiale béante et les questions qui la hantent, interroge sa grand-mère adoptive, sa mère biologique. Éprouvée par cette nouvelle perte, elle entreprend de se faire tatouer comme son père.
« L’intention de départ était la suivante : accomplir un travail de création où le créateur ne fait pas défaut, étant ébranlé par son sujet. Toutefois, j’ai beaucoup souffert du fait qu’en me tournant vers un sujet désincarné (mon père), mon propre cœur s’est vu transpercé. » Naomi Kawase, 2001.
« S’éloignant chaque film un peu plus d’un exercice de sincérité poétique à la Mekas – à qui on l’a beaucoup comparée un temps –, Kawase se sert d’une forme, la confession filmée, pour en fausser les règles. Dans ce sens, Kya Ka Ra Ba A (le plus impressionnant de ses films, qui littéralement se traduit par "le ciel le vent le feu l’eau la terre" […] est une spirale inquiétante où, pour retrouver la trace de son père, yakusa tatoué sur tout le corps comme le veut le rite, la cinéaste s’allonge sur le divan d’un tatoueur comme elle le ferait sur le divan d’un psychanalyste, et connaît à son tour (ou feint de connaître ? – une part de l’enjeu est dans cette manipulation, terme approprié à ce maelström de chair torturée, redessinée) les mêmes douleurs, les mêmes lignes de vie. » Philippe Azoury, Cahiers du cinéma, n° 569, juin 2002
Prochaine séance le dimanche 30 décembre
When
8pm - 9:45pm