Jacky Goldberg

« Pourquoi vous ne grandissez pas un peu Baxter ? Comportez-vous en mensch ! Vous savez ce que ça veut dire ? Un mensch est un être humain... ». Ainsi se fait sermonner le brave Baxter (Jack Lemmon) par son voisin, le Dr Dreyfuss, dans La Garçonnière de Billy Wilder. Cette injonction, « be a mensch ! », écrite en 1960 par un réalisateur américain d’origine juive autrichienne, traverse un large pan de la comédie américaine, de ses origines, au début du vingtième siècle, à nos jours. Tiré du yiddish « mentsch », le terme est entré dans le langage courant et désigne l’homme moral, celui qui cherche à faire le bien autour de lui. Si « faire le bien » est un acte relativement banal dans le cinéma hollywoodien, qui s’est façonné en grande partie autour du happy ending, le mensch est un cas particulier, qui prend racine dans l’incessant questionnement éthique du judaïsme, avant de se séculariser, pour enfin s’approfondir dans une réflexion philosophique typiquement américaine, le « perfectionnisme moral », dont Stanley Cavell a offert les plus beaux exemples à travers ses fameuses « comédies de remariages ». Si la comédie n’est pas le seul genre où le mensch s’illustre, il est indéniablement celui où il se pare de ses plus beaux atours. Quoi de plus comique en effet que la tension entre une quête de moralité et son échec retentissant — fût-il temporaire ? Qu’il soit lié au sentiment religieux ou non, qu’il soit un homme ou une femme (après tout pourquoi pas ?), qu’il soit adoré ou détesté (la figure dissidente du schlemiel, loser pathologique), le mensch est une source infinie de rire, d’intelligence et d’émotions mêlés. Ce que viendra démontrer le journaliste et critique Jacky Goldberg. Que demander de plus ?

Jacky Goldberg est journaliste et critique aux Inrocks, il est également réalisateur et producteur. Il présentera son documentaire, This is Comedy, le vendredi 29 mai prochain, en Cinéma 1, à 20h.