Cinema
"Terre sans pain" (las Hurdes)
de Luis Buñuel, 1932
14 Apr 2008
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Terre sans pain est un étrange film, qui reste soixante-dix ans plus tard aussi scandaleux qu'en son temps. Encore une fois, ce « documentaire » est fabriqué comme une fiction. Répétitions, prises multiples, mise en scène, découpage il s'agit pour Buñuel de contrôler la réalité des Hurdes, de ne pas se laisser griser ou gagner par la charge de réel, et donc de charme ou de mystère, que rencontre inévitablement tout tournage documentaire
Terre sans pain (Las Hurdes) de Luis Buñuel, 1932, 35 min
Terre sans pain est un étrange film, qui reste soixante-dix ans plus tard aussi scandaleux qu'en son temps. Encore une fois, ce « documentaire » est fabriqué comme une fiction. Répétitions, prises multiples, mise en scène, découpage il s'agit pour Buñuel de contrôler la réalité des Hurdes, de ne pas se laisser griser ou gagner par la charge de réel, et donc de charme ou de mystère, que rencontre inévitablement tout tournage documentaire. Pourquoi ? Tout simplement pour pouvoir noircir le tableau à souhait, écarter du film tout ce qui risquerait d'atténuer l'impression recherchée, celle d'une misère, d'un malheur sans fin ni remède. Car Buñuel ne veut pas que le sort épouvantable des Hurdanos suscite sentiments de compassion ou de pitié. S'exerce là un refus majeur de tout ce qui pourrait ressembler à une charité humaniste de souche chrétienne. Plutôt que la pitié, la révolte. Nous aurions voulu porter assistance à ces pauvres hères sur qui s'acharne un sort hostile ? Bien, allons-y voir : le film nous guide, nous associe à sa visite, mais c'est pour nous faire arriver trop tard. Le mal est déjà fait. Irrémédiable. C'est bien au spectateur que s'en prend le film, pour le saturer de tant d'images d'un malheur sans appel qu'il lui sera interdit de se considérer plus longtemps comme étant du bon côté de l'écran. Ce n'est pas seulement la situation lamentable des Hurdes qui nous insupporte, c'est cette insistance obsessionnelle d'ajouter de la mort au malheur, de fermer le film comme une tombe, qui finissent par excéder toute « bonne place » de spectateur. Le cinéma ici n'est plus fait pour améliorer le monde mais pour le refuser tel qu'il est. Un film subversif parce qu'il s'en prend au spectacle de la misère et au confort du spectateur.
When
From 7:30pm