Autour des ateliers

« Les activités internes à la « S » Grand Atelier et celles qu’elles génèrent à leur tour à l’extérieur sont remarquables tant elles rebattent les cartes des pratiques où les notions d’art, de handicap, de différences ou de marginalités s’entremêlent. A contrario de certaines idées reçues propres aux mythologies de l’art brut, le laboratoire artistique de la « S » tord le cou à des représentations simplistes et binaires. Ainsi dynamite-t-il la croyance selon laquelle l’art se scinderait en deux, art contemporain d’un côté, le reste de l’autre, avec injonction à choisir son camp. Ce faisant, les activités de la « S » permettent de critiquer à bon escient l’idée contestable d’une supposée pureté et vérité associées aux créations de la différence mentale, qualités qu’il faudrait absolument préserver de toute influence extérieure, comme si le monde du handicap relevait de la réserve d’indiens. En ce sens, l’art mis en œuvre à la « S » participe d’autres aventures initiées en Belgique depuis les années 1980 et engage à une remise en question, en France, des cadres héritées de cette même décennie. » 
Baptiste Brun, enseignant-chercheur en histoire de l'art contemporain à l'université Rennes 2

« L’atelier Gugging initié par le psychiatre Leo Navratil au sein de l’ancien centre hospitalier régional de psychiatrie et neurologie de Klosterneuburg en Autriche est né de manière fortuite, par une coïncidence accidentelle. Influencé par des tests projectifs de la personnalité crée par la psychologue Karen Machover, le médecin découvre la valeur esthétique de certains dessins de ses patients. Conditionné aussi par des artistes comme Arnulf Rainer et Peter Pongratz, il s’engage à exposer ces créations et fonde en 1981 le Centre pour l’art et la psychothérapie. En 1986, le centre se sépare officiellement de la clinique et est renommé la Maison des artistes. Le succès du projet est couronné par une visite de David Bowie en 1994. Dans cette perspective, il est fructueux de comparer à Gugging trois autres ateliers renommés de la scène « outsider » internationale : le Creative Growth Center à Oakland (créé en 1974), le centre d’activité expressives La Tinaia à Florence (ouvert en 1975) et l’Atelier Goldstein à Francfort (fondé en 2001) pour les faire dialoguer avec la notion historique d’Art brut de Jean Dubuffet ».
Caterina Flor Gümpel

Avec : Anne-Françoise Rouche, directrice de La « S » Grand Atelier de Vielsalm, et Caterina Flor Gümpel, doctorante en histoire de l’art à l’Université de Heidelberg et collaboratrice scientifique au musée Sammlung Prinzhorn de Heidelberg.