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Portrait de famille

1912

Suzanne Valadon

Dans ce tableau autrefois appelé Le Trio et la grand-mère, Suzanne Valadon se représente au centre de la composition, entourée de son fils, Maurice Utrillo, de son amant André Utter et de sa mère Madeleine. Ce portrait de famille est le seul dans lequel elle se représente. Chaque membre de cette famille recomposée est pris dans une gestuelle spécifique qui s’inscrit dans une tradition issue de la Renaissance. André Utter apparaît de profil, comme dans les portraits de l’aristocratie florentine du 16e siècle qui reprenaient eux-mêmes les postures des empereurs romains gravés sur les pièces de monnaie. Le regard direct et la main sur le sein, preuve de sa loyautéValadon adopte une pose de madone, emblable à celle de l’Antea du Parmesan. Elle donne à son fils Maurice Utrillo la pose de l’allégorie de la Mélancolie telle que Valadon a pu la voir sur une reproduction d’une gravure d’Albrecht Dürer.

Selon Chiara Parisi, historienne de l’art, « cette figure de l’artiste torturé s’inscrit aussi dans la continuité du spleen du peintre romantique Théodore Géricault (Portrait d’un artiste (vers 1820)Musée du Louvre) »*. Quant à la présence de sa mère, au visage extrêmement ridé, elle donne au tableau une autre dimension thématique, celle des âges de la vie, symbole de la fugacité de l’existence. Toutes ces références artistiques confirment le fait que Valadon a tiré parti des nombreuses séances de pose chez des artistes érudits pour apprendre autant la technique que l’histoire de l’art. Alors qu’elle est désormais pleinement peintre, il lui est nécessaire de s’inscrire dans une tradition de peintre alors que le monde de l’art, très masculin, tend à l’assigner à sa place de modèle.   

*Catalogue « Suzanne Valadon, Un Monde à soi », Centre Pompidou Metz, 2023