Le Lancement du filet

Au début de l’année 1914, Suzanne Valadon peint ce tableau très novateur.

Elle reprend ici un classique du nu académique inspiré d’un tableau de Frédéric Bazille (1841-1870) Pêcheur à l’Épervier (1868) en lui donnant une tournure contemporaine. Son mari, le jeune André Hutter, sert de modèle pour les trois positions représentées, procédé qu’elle avait remarqué chez son maître Pierre Puvis de Chavanne. Elle peint cette œuvre d’après des croquis réalisés en Corse pendant l’été 1913 et au cours duquel elle avait saisi sur une plage la beauté des gestes des pêcheurs.

Le sujet du tableau représente la même action déclinée dans un mouvement de rotation qui met en valeur les courbes athlétiques du modèle. Les postures hiératiques évoquent les dessins des vases antiques. Le corps masculin est magnifié par ses muscles tendus soulignant sa vitalité et son pouvoir érotique. Selon Rose Barberat, « le filet pourrait symboliser les contraintes des conventions sociales restreintes ou le désir lui-même enchevêtré »*. L’homme serait ici capturé par le regard de l’artiste.

Valadon célèbre la sensualité des corps aux couleurs chaudes évoluant dans une nature primitive à l’aube. Ce nu masculin est, à cette époque, l’une des rares représentation du désir féminin pour un corps masculin.

Dans les esquisses réalisées avant le tableau, le sexe du lanceur n’est pas dissimulé par le filet. Le Lancement du Filet est la dernière œuvre de Valadon consacrée au nu masculin. Le tableau présenté au Salon des Indépendants au printemps 1914 suscite des réactions contrastées.