Intérieur, bocal de poissons rouges

En 1914 Matisse occupe un appartement au 19 quai Saint-Michel à Paris, sous l’atelier dans lequel il a travaillé de 1892 à 1908. Il y retrouve une ambiance familière en regardant par la fenêtre qui donne sur la Seine et sur l’île de la Cité.

Plongé dans une palette de nuances de bleus et de gris, l’intérieur de la pièce contraste avec la lumière chaude de fin de journée qui se dépose sur le paysage traversant la fenêtre, comme si le monde extérieur pénétrait dans la chambre-atelier. Par quel moyen l’artiste parvient-il à nous procurer cette curieuse sensation ?

Au centre du tableau, deux tâches rouge orangé attirent notre attention. Deux poissons rouges évoluent dans un bocal dont la transparence vient se confondre avec celle de la fenêtre. On ne peut s’empêcher de croire que Matisse s’est amusé à faire sauter ses poissons de la Seine dans l’eau du bocal tant son jeu de lignes courbes formant le cylindre du bocal se marie avec celui des arches du pont Saint-Michel, les longues plages de bleu gris unissant l’extérieur et l’intérieur.

Souvenirs de ces séjours au Maroc, cette palette de bleus et ce bocal de poissons rouges sont une invitation à la méditation, sur l’espace du peintre, sur le repli et l’ouverture.

Le tableau tout d’abord destiné au collectionneur russe Sergei Chtchoukine, sera finalement acheté par le baron Gourgaud qui en fit ensuite un legs au Musée national d’art moderne. Ce tableau est le premier d’une série de quatre toiles qui constitue une variation sur le thème de l’intérieur du peintre et de recherches picturales vers l’abstraction.